13 détenues de la prison d’Elazığ en grève de la faim

Depuis 15 jours, 13 femmes d’une même cellule du centre pénitentiaire fermé pour femmes d’Elazığ sont en grève de la faim, afin de mettre fin à l’isolement imposé au leader kurde Abdullah Ocalan, détenu depuis 22 ans sur l’île-prison d’İmrali, de protester contre les violations croissantes des droits dans les prisons et de mettre fin aux pratiques antidémocratiques en Turquie. Parmi elles se trouvent Remziye Yaşar, co-maire de la municipalité de Yüksekova et Leyla Güven, ex co-maire de Viranşehir, députée destituée de Hakkari.

Remziye Yaşar

Remziye Yaşar, co-maire de Yüksekova (Gever en kurde), ville districale de la province de Hakkari, a été interpellée le 15 octobre 2019 et mise en détention. Destituée, elle fut immédiatement remplacée par un administrateur civil à la botte du président-dictateur. Accusée d’atteinte à l’unité et à l’intégrité de l’État, son procès a été par trois fois ajourné et Remziye Yaşar est donc abusivement maintenue en détention provisoire depuis bientôt deux ans. Yüksekova, très ancienne ville située près de la frontière turco-irakienne, au pied du Samdi dağ (3 800 m), n’est pas inconnue aux Amitiés kurdes de Bretagne : une délégation s’y est rendue en 2005 à l’occasion de la fête du Newroz, mais aussi en 2009 à l’occasion des élections municipales et en 2011 pour soutenir le mouvement de désobéissance civile. Yüksekova est aussi cette fleur de lys, appelée lûleper, que l’on trouve dans sa vallée et qui, stylisée, donne son nom au kilim de Hakkari “Lûleper”.

Leyla Güven

Leyla Güven a été détenue de décembre 2009 à juin 2014 à la suite d’une opération visant les personnalités politiques pro-kurdes, alors qu’elle était co-maire de Viranşehir et membre du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Emprisonnée à nouveau en janvier 2018 pour avoir critiqué l’offensive de l’armée turque lors de la bataille d’Afrin, elle entame, en novembre 2018, une grève de la faim pour protester contre l’isolement imposé à Abdullah Öcalan. Le 25 janvier 2019, elle est remise en liberté sous contrôle judiciaire pour raisons médicales, avec une interdiction de quitter le territoire. Elle est à nouveau arrêtée en juin 2020 et est déchue de son mandat de députée. Le 21 décembre 2020, elle est condamnée à 22 ans et trois mois de prison par le tribunal de Diyarbakır pour appartenance au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et “diffusion de propagande terroriste”.

Le courrier de Leyla Güven : « je crains que des tombeaux sortent des prisons »

Dans le cadre de la campagne “cartes postales” lancée par les Amitiés kurdes de Bretagne, les Amitiés kurdes de Lyon Rhône-Alpes, l’Association iséroise des Amis des Kurdes et France-Kurdistan, un échange de courrier est établi avec Leyla Güven depuis sa prison d’Elazığ. Sa dernière lettre, datée du 2 août, confirme qu’elle a bien reçu mon courrier et les photos qui l’accompagnaient. Elle souligne l’importance de ces lettres qui circulent de mains en mains :

mes amies ont beaucoup apprécié votre soutien à la cause kurde

et, concernant les grèves de la faim qui perdurent dans les prisons, elles comptent sur nous pour être leur “porte-voix”.

Je crains que des tombeaux sortent des prisons

écrit Leyla qui pointe l’attitude passive de la France :

s’il y a des personnes comme vous qui luttent pour les droits de l’homme, le pays auquel vous appartenez porte une responsabilité historique de laisser se diviser notre pays et nous laisser dans cette situation.

Et de constater :

je me trouve actuellement dans la prison, où avait été incarcérée, il y a 40 ans, Sakine Cansiz” (assassinée à Paris le 9 janvier 2013).

André Métayer

Photo envoyée depuis la prison d’Elazığ : Remziye Yaşar et Leyla Güven entourant Seher, qu’elles considèrent comme leur “mère”.

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