2017 : un Newroz de lutte

Éminemment politique et fortement symbolique, le Newroz, le nouvel an kurde, fut cette année la célébration de l’insoumission. Un chant d’union et de révolte face à tous ceux qui souhaiteraient n’entendre que le silence imposé par le bruit des armes et le fracas des bombes.

Une délégation des Amitiés kurdes de Bretagne, conduite par le tout nouvellement élu président de l’association, Tony Rublon, s’est rendue au Kurdistan de Turquie du 18 au 31 mars pour un périple de plus de 500 km, notamment à Diyarbakir, puis à Van, en passant par Mardin, le camp de Midyat et le monastère de Mor Hananyo. Le voyage fut perturbé, avant même son départ de Paris, par une tentative d’attentat à l’aéroport d’Orly. La suite ne fut pas non plus des plus aisées : s’il est difficile pour les journalistes de travailler en Turquie, il en est de même pour les associations qui se rendent là-bas, tant les pressions, les contrôles et la surveillance sont omniprésents.

Les objectifs de cette mission étaient d’abord de répondre à l’invitation du HDP (Parti de la Démocratie des Peuples) en participant aux festivités du Newroz du 21 mars à Diyarbakir et d’apporter ainsi un soutien moral et politique à la population kurde, à ses militants politiques, associatifs et syndicaux, à ses journalistes, dont la liberté d’expression est bafouée, à ses nombreux élus, maires et députés du HDP destitués et emprisonnés. Rentrer en contact avec les organisations de la société civile, les organisations politiques et les syndicats et rendre visite aux réfugiés yézidis dans le camp de Midyat faisaient également partie des objectifs.

La délégation qui a réussi à se rendre à Diyarbakir pour la célébration du Newroz, livre sous la plume de Tony Rublon, une description saisissante de la fête :

le ciel se charge, l’électricité dans l’air devient palpable, 350 000 personnes réunies pour défendre leur droits à exister, une foule qui fait tomber les barrières et s’empare de la scène, affiche d’énormes portraits d’”Apo” (Abdullah Öcalan) et des camarades tombés lors du soulèvement à Sur. Les chants en kurde se font de plus en plus forts, les slogans de soutien à Apo de plus en plus nombreux et la foule de plus en plus compacte et unie quand les organisateurs prennent le micro. Les forces de l’ordre viennent de les prévenir : il faut arrêter slogans et chants « terroristes ». La menace est réelle : des snipers sont postés sur les toits alentours. Il est 14h00 : la musique s’arrête. Le Newroz de 2017 aura quand même eu lieu à Diyarbakir».

Le rapport, présenté par Tony Rublon, est le fruit d’un travail d’expertise minutieux qui s’appuie aussi sur un travail quotidien de plus de vingt années, au cours desquelles l’association a su se constituer un réseau solide et tisser des liens durables. La délégation a pu ainsi rencontrer, dans plusieurs villes du Kurdistan turc, des associations de la société civile, des syndicats, des membres de partis politiques et des habitants, permettant de dresser un portrait suffisamment précis de la situation complexe au Kurdistan-Nord.

Merci à toutes les personnes qui, malgré les risques encourus, ont accepté de témoigner.

André Métayer

AKB-Delegation-2017