39 sénateurs issus de tous les groupes politiques du Sénat appellent le gouvernement français “à soutenir nos alliés kurdes syriens”

Pendant la séance de questions au gouvernement du 23 janvier, les sénateurs Patrick Kanner (président du groupe socialiste et républicain) et Olivier Léonhardt (pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen), avaient interpelé le gouvernent sur la situation aussi dramatique qu’inquiétante créée par l’intervention militaire turque dans la province kurde syrienne d’Afrin, conduite en violation du droit international. Patrick Kanner avait demandé quelles mesures la France envisageait de prendre pour que cette opération, baptisée de manière provocante « Rameau d’olivier », soit stoppée et qu’un cessez-le-feu intervienne dans les plus brefs délais. Olivier Léonhardt avait rappelé que la Turquie mène l’assaut contre une ville dont le seul crime est d’être dirigée par des forces kurdes, “or ces forces sont nos alliées dans la guerre contre Daech. Ce sont elles qui, à Kobanê, ont infligé une défaite sans appel à Daech” et d’ajouter “alors que l’engagement des Kurdes à nos côtés n’est plus à démontrer, nous savons aussi que des parlementaires et des maires kurdes, élus démocratiquement, sont aujourd’hui emprisonnés en Turquie”. La question posée par les sénateurs était sans ambigüité : « allons-nous demander le retrait de l’armée turque et l’arrêt immédiat de l’intervention à Afrin ? Peut-on considérer qu’appeler la Turquie à la retenue après une réunion du Conseil de sécurité soit suffisant au regard de la gravité de la situation sur place ? »

Des réponses convenues qui justifient l’agression turque

Les réponses, tant du Premier ministre Édouard Philippe que du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Christophe Castaner, ne furent pas à la hauteur de la situation. Nous retiendrons qu’une fois de plus le gouvernement justifie l’invasion du Rojava par la Turquie, en violation du droit international : “la Turquie a engagé voilà quatre jours dans la région d’Afrin, au nord de la Syrie, une opération militaire, motivée par des inquiétudes sur sa propre sécurité. Nous pouvons entendre ces inquiétudes”, tout en disant (en même temps !) que “la priorité doit rester le combat contre Daech, qui n’est pas terminé” ainsi que “la recherche d’une solution politique durable”. Comprenne qui pourra, surtout quand Christophe Castaner ajoute, après avoir répété les propos du Premier ministre, que l’opération turque intervient “à un moment où la situation humanitaire en Syrie est déjà très dégradée”. Va-t-on améliorer la situation des populations civiles en pilonnant Afrin ? Le compte rendu de la séance note : « Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, vives protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

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Exigeons le retrait de l’armée turque et l’arrêt immédiat de l’intervention à Afrin

39 sénateurs (17 socialistes et républicains, 10 du Rassemblement démocratique et social européen, 5 du groupe Les Républicains, 3 du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, 1 de l’Union centriste et 1 de La République en Marche) auxquels d’autres vont se joindre, ont lancé le 30 janvier, sous l’impulsion d’Olivier Léonhardt, un appel au gouvernement qui sera rendu public :

Les Kurdes syriens ont été, avec les Peshmergas du Kurdistan irakien, nos meilleurs alliés dans la guerre contre Daech.

Des milliers d’entre eux sont morts dans cette guerre pour notre liberté et pour notre sécurité. Avec le soutien de la Coalition internationale, ils ont réussi à débarrasser la Syrie et le monde de la barbarie de Daech.

Ils sont attaqués aujourd’hui par le régime autoritaire du président turc Erdogan. Depuis le 20 janvier, l’aviation et l’artillerie lourde turques bombardent les villes et villages du canton kurde d’Afrine. La Turquie mène l’assaut contre l’une des rares villes syriennes qui a jusqu’ici échappé à la destruction, une ville dont le seul crime est d’être dirigée par des forces kurdes. Ce paisible territoire, qui avait réussi jusque-là à rester à l’écart de l’effroyable guerre civile syrienne et qui accueille des dizaines de milliers de déplacés et de réfugiés.

Cette guerre de convenance déclenchée en plein hiver contre une région qui n’a jamais attaqué ou menacé le territoire turc, et dont la vie de plus de 800.000 civils kurdes et arabes est en danger, constitue une agression intolérable, une violation flagrante du droit international et une menace grave contre la paix et la stabilité régionale.

Nous voulons rappeler que les forces combattantes kurdes sont nos alliées dans la guerre contre Daech. Nous voulons rappeler que ce sont elles qui, à Kobane, ont infligé une défaite sans appel à Daech. Nous voulons rappeler que ce sont elles ont mis hors d’état de nuire des milliers de djihadistes et participé à la libération de tous les territoires syriens occupés par Daech, y compris Rakka, capitale de leur soi-disant califat.

Nous voulons rappeler que l’engagement des Kurdes au côté de la France et des pays de la coalition n’est plus à démontrer dans la lutte contre DAECH.

Défendre ceux qui sont morts pour notre liberté, être solidaires de nos alliés et compagnons d’armes est une obligation morale pour la France, pour les Etats-Unis et pour tous les membres de la Coalition internationale.

Il est temps de briser le silence assourdissant de la communauté internationale face à cette guerre d’agression.

Nous appelons la France à élever la voix et à user de toute son influence au conseil de sécurité l’ONU et en Europe pour exiger le retrait de l’armée turque et l’arrêt immédiat de l’intervention à Afrin.

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André Métayer