8 mars – Journée internationale de la Femme : les femmes kurdes lancent le concept de « jinéologie » ou science au féminin

Une méthode de recherche qui ne prendrait pas en compte la réalité des femmes, qui ne mettrait pas la femme au centre de ses préoccupations ne permettra jamais de développer une véritable lutte pour la liberté et l’égalité.

S’appuyant sur cette déclaration d’Abdullah Öcalan, leader du peuple kurde, les femmes kurdes ont créé un nouveau concept : la « jinéologie » (« jin » en kurde veut dire « femme » – à rapprocher du grec « gyné » : « femme » et du kurde « jiyan » : « vie » – « logos » en grec veut dire « parole, raison »). Elles proposent une nouvelle vision de la vie en société par la lutte, par la mobilisation de tous les instants, mais aussi par la réflexion théorique. Elles pensent qu’une science au féminin est indispensable pour la libération des femmes. Elles, qui revendiquent d’être à l’origine des civilisations démocratiques, sont entrées en résistance face aux forces de la civilisation capitaliste qu’elles jugent incapables d’améliorer la condition des femmes et de répondre aux problèmes rencontrés par les femmes au quotidien :

nos revendications font référence aux croyances mythologiques de nos mères qui vouaient un véritable culte à la déesse sumérienne Inanna pour avoir su résister aux dieux qui s’étaient appropriés les arts et les sciences. Notre culture fait référence à la déesse Aphrodite, à Hatice et Fatma, à Hypatie [mathématicienne et philosophe néoplatonicienne du IVème siècle], mais aussi à toutes celles qui ont guidé nos recherches scientifiques et philosophiques comme Rosa [Luxemburg], Alexandra [Kollontai], Emma [Goldman], mais aussi Marie Curie. Notre résistance portera dans l’Histoire les noms de Beritan, Zilan, Sema [combattantes du PKK tuées au combat], Sakine Cansiz-Sara [assassinée à Paris avec Rojbîn et Leyla] et Arin Mirkan [combattante kurde syrienne tuée en défendant Kobanê]. Et celui de nos trente années de lutte pour la liberté contre la civilisation capitaliste.

La KJK (Communauté des Femmes du Kurdistan), à l’origine du mouvement, veut être porteuse, avec la « jinéologie », d’une lutte révolutionnaire dans le domaine des sciences sociales en s’affranchissant d’une vision purement sexiste et en se donnant la possibilité d’appréhender de façon différente la démographie, la politique, l’éthique, l’esthétique, la philosophie, l’histoire, l’écologie, la santé et l’éducation. Elle veut concevoir la relation femme-homme, autrement, dépassant la relation mâle-femelle :

en tant que mouvement de libération des femmes du Kurdistan nous sommes porteuses d’une expérience importante concernant les recherches théoriques, la mobilisation et l’action. C’est sur cette base que nous fondons notre force de mobilisation, notre lutte dans la guérilla, notre parti de femmes et notre confédéralisme.

A l’occasion de la Journée internationale de la Femme ce 8 mars, la KJK veut populariser la « jinéologie » et la proposer aux femmes du monde entier.

André Métayer