Abdullah Öcalan, “Manifeste pour une civilisation démocratique”

Fiche de lecture

Irène Sipos, connue pour ses actions en tant que professionnelle puis bénévole en faveur des personnes vivant avec des difficultés cognitives (“bistrots de la mémoire”), active au sein de l’équipe des bénévoles des AKB assurant les cours de français, a voulu comprendre ce qui est communément appelé la « cause kurde ». Elle est allée directement à la source : “L’ère des dieux masqués et des rois déguisés”, premier tome d’une tétralogie annoncée du “Manifeste pour une civilisation démocratique” écrit, depuis sa prison, par Abdullah Öcalan, président et fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et initiateur du confédéralisme démocratique qui, “alors qu’il vient de passer sa vingtième année dans l’île prison d’Imrali, […] jouit d’une notoriété intacte auprès des Kurdes de Turquie et, au-delà, dans les rangs des combattants kurdes du Rojava.” (Olivier Piot, Le Monde diplomatique)

Je voulais lire ce livre afin de mieux appréhender, en allant directement à la source, ce qui fonde le mouvement politique porté par les Kurdes, ou en tout cas un certain nombre de Kurdes. La lecture ne m’a pas semblé facile – l’auteur lui-même en reconnait les imperfections.

Je perçois l’intérêt de cette recherche, son ampleur, sa démesure même. On ressent sa volonté de conduire cependant le lecteur vers une conception du monde et de la civilisation humaine qui soit un chemin de liberté et d’épanouissement, reconnectant les individus et les groupes humains avec ce qui les a faits humains dès l’origine. C’est la recherche du sens qui devrait primer. Les théories de Marx, par exemple, sont considérées comme réductionnistes en ne se préoccupant « que » des rapports de force et en considérant l’économie comme le moteur du changement. Face aux constats tirés de l’étude du mouvement de l’histoire humaine, Abdullah Öcalan considère qu’il est nécessaire de :

– S’opposer à la modernité capitaliste,

– Développer une métaphysique humaine,

– Prendre pour base le concept de politique démocratique,

– S’opposer à l’industrialisme, écologiser l’économie et la technologie,

– Développer une nation démocratique organisée en confédération,

– Assurer la défense de la société par la formation dans les milieux populaires,

– Construire une nouvelle forme de famille fondée sur une profonde liberté des femmes et sur l’égalité.

Abdullah Öcalan constate la violence de la civilisation moderne mais il ne propose pas, en tout cas dans ce livre, d’y répondre systématiquement par la violence.

Ecrit de prison, dans la longue durée, ce livre – qui est le premier de 4 volumes – est une recherche, non universitaire, d’un nouveau cadre de réflexion pour l’histoire des hommes et sur ce qui pourrait en faire changer le cours. C’est aussi un constat de l’échec des mouvements de pensée révolutionnaires, qui semblent n’avoir abouti qu’à des désordres et des déceptions. Comment alors repenser l’histoire ?

Irène Sipos nous propose une fiche de lecture ci-jointe pour aborder ce premier tome.

André Métayer

L’ère des dieux masqués et des rois déguisés d’Abdullah Öcalan, Editions du Croquant, 2021, 203 pages, 15 €.

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