Assassinat de Rojbîn, Sakine et Leyla : l’affaire est relancée

Omer Güney n’était que le bras armé d’une véritable entreprise des services secrets turcs destinée à assassiner des militantes kurdes en Europe. On ne peut pas laisser commettre des assassinats politiques en France et fermer les yeux,

a déclaré Me Antoine Comte, au nom ses confrères Jean-Louis Malterre, Sylvie Boitel, Virginie Dusen et Jan Fermon, avocats des familles de nos trois amies kurdes assassinées en plein Paris le 9 janvier 2013. Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile vise notamment à déterminer qui sont les commanditaires.

Faire toute la lumière

Depuis cette nuit tragique, de nombreux appels s’étaient multipliés pour demander aux autorités françaises de faire toute la lumière sur ce crime politique odieux. De nombreux éléments de l’enquête, notamment un enregistrement sonore, avaient fait apparaître que le meurtrier présumé, Ömer Güney, avait agi pour le compte des services secrets turcs (MIT). Depuis le début de l’enquête, on observait l’absence notoire de volonté des autorités turques et françaises de faire la lumière sur ce triple assassinat. Le décès programmé du présumé coupable (atteint d’un mal incurable) a mis fin à l’action publique, dont l’extinction a été prononcée le 23 janvier par le président de la Cour d’assises spéciale. Le procès d’Ömer Güney n’aura donc pas lieu mais cette extinction “n’a été prononcée qu’à l’égard de l’accusé”. Elle n’interdit donc pas la poursuite en justice des éventuels complices et des commanditaires.

L’action judiciaire doit continuer : tout désigne Erdoğan comme instigateur

L’action judiciaire doit continuer car depuis le début nous savons qu’Omer Güney n’a pu agir seul et qu’il a été aidé dans son entreprise par au moins un complice. Mais le plus important est de démasquer et punir les commanditaires.

On a voulu nous faire croire à des règlements de comptes internes au PKK puis à des manœuvres visant à faire échouer les pourparlers de paix engagés entre le PKK et le gouvernement turc, Erdoğan désignant même comme instigateur son ex-allié devenu son pire ennemi, Fethullah Gülen, chef d’un puissant mouvement islamiste, exilé aux Etats-Unis depuis 1999. Si c’eût été le cas, la justice française n’aurait pas été empêchée d’enquêter sur le sol turc et le gouvernement français n’aurait pas fait obstacle à la déclassification des documents classés “secret défense”. La piste la plus sérieuse, qui s’impose au fil du temps, est celle d’une manœuvre visant à déstabiliser Abdullah Öcalan, avec qui les négociations de paix étaient entamées et dont l’aura est particulièrement grande chez les militantes kurdes (c’est lui qui a imposé l’égalité homme/femme dans la société kurde). En faisant assassiner à Paris, au Centre d’information du Kurdistan, Sakine Cansiz, fondatrice du PKK, Leyla Saylemez, responsable des jeunesses kurdes en Allemagne, et Fidan (Rojbîn) Dogan, qui avait entre autres animé de nombreuses grèves de la faim en faveur du leader du PKK, Erdoğan a voulu faire savoir à son interlocuteur et au monde entier, qu’il restait maitre du jeu.

André Métayer