Bağlar (Diyarbakir), E Tipi Cezaevi Bayanlar (de la prison pour femmes)

Voici 53 mois que Gülcihan Şimşek est détenue sans jugement à Bağlar, dans la prison pour femmes de type E de Diyarbakir. C’est devant cette prison qu’une délégation des Amitiés kurdes de Bretagne avait fait un sit-in le 24 mars 2010 pour protester contre ces incarcérations honteuses de militantes politiques et associatives qui s’entassent dans des dortoirs aux conditions d’hygiène lamentables.

Nous avions rencontré Gülcihan peu avant son incarcération alors qu’elle était encore maire de Bostanici (commune suburbaine de Van) et nous avions tous été séduits par son courage tranquille et sa souriante détermination. Nous avions évoqué les nombreux procès qui étaient instruits contre elle pour des motifs dérisoires comme le rapatriement à Bostanici par le corbillard municipal de la dépouille d’un militant kurde tué au combat, l’organisation d’une conférence de presse en soutien à ROJ TV, un discours en kurde lors de la célébration de la fête du 8 mars ou l’emploi de “Sayin Öcalan” (c’est-à-dire “Monsieur” avec un certain respect).

Son procès a failli commencer le 18 janvier 2013

En mars 2009, elle céda le fauteuil de maire (en vertu du turnover appliqué par parti kurde pour les postes soumis à élection) et se retrouva immédiatement interpellée et incarcérée, comme 250 autres élus ou ex- élus. Ce furent les premiers d’une longue rafle qui conduisit en prison des milliers d’élus et de cadres du parti kurde, DTP devenu BDP.

Le 18 janvier [soit après 46 mois d’incarcération], on a procédé à la lecture des éléments de preuve me concernant. Mais je n’ai pas pu me défendre en kurde. A chaque fois, le microphone a été coupé. Aujourd’hui, 31 janvier. A la demande des avocats, le tribunal à désigné un interprète en application de la loi. C’était un courrier du 31 janvier 2013 et le 21 août le procès n’a toujours pas commencé. Dans ce même courrier, Gülcihan Şimşek évoquait la situation globale : nous avions espéré que 2013 serait l’année de la paix et de la liberté. Le 1er janvier au matin c’est la mort qui nous a réveillés, la mort de 10 guérilleros tués lors d’une opération menée dans les zones montagneuses de Lice/Diyarbakir. Pourtant nous devions commencer la nouvelle année dans la paix, avec notamment le début des discussions ouvertes [par le gouvernement turc] avec Monsieur Ocalan. Tous nos espoirs de paix étaient en hausse en ce début d’année. Mais le 10 janvier au matin une fois encore la mort frappait des Kurdes, 3 de nos amies, 3 de nos camarades, 3 femmes politiques kurdes tuées de manière inhumaine. Nous avons été réveillés par ces exécutions inacceptables. Pourtant, nous avions prévu de nous réveiller avec des espoirs de paix… Notre colère s’est transformée en hurlement. Comment Paris, capitale de la philosophie, de la politique, des libertés, peut-elle rester silencieuse ? Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez étaient des ambassadrices qui travaillaient pour la paix. A Amed [Diyarbakir], ville sainte, des millions de personnes les ont accueillies. Les mères kurdes n’ont pas pleuré, ‘les martyrs sont immortels’ ont-elles scandé. Habillées de blanc, elles ont envoyé dans le ciel des colombes, symboles de paix, pour saluer leurs ambassadrices qu’elles venaient de perdre. Nous savons que vous, chers amis du peuple kurde, défenseurs de la paix, de la démocratie et des libertés, vous êtes nos porte-voix pour condamner cet attentat. Je suis persuadée, nous sommes persuadées, que vous luttez à nos côtés pour que les responsables de cet acte odieux puissent être retrouvés.

La voix des prisons

Internet perce les murs des prisons et les détenus sont attentifs aux actions que nous menons : la crainte de tout détenu est de tomber dans l’oubli. Dans son courrier du 30 juillet, Gülcihan écrit :

je vous avais écrit une lettre en février 2013 et n’ayant pas de retour, je m’inquiète à votre sujet. Ma lettre vous est-elle parvenue? Pour autant, Gülcihan et ses camarades détenues vivent dans l’espoir avant tout : 2013 est une année riche en évènements, les pourparlers [entre Öcalan et l’Etat tuc], la situation au Moyen Orient, en Syrie, au Rojava (Kurdistan Occidental) fait que notre position, celle de nous les Kurdes, est incontournable. La conjoncture nous est favorable. Les évolutions politiques vont dans ce sens. La paix et la liberté sont proches. Votre soutien nous procure de la force.

Chère Gülcihan, Votre courage fait l’admiration de tous.

André Métayer

Photo envoyée de la prison de Bağlar par G. Şimşek

Ecrivez une carte postale à :

Madame Gülcihan ŞİMŞEK

E Tipi Kapalı Cezaevi Bayanlar. 2

Bağlar

Diyarbakır

Turquie