“Ben u Sen” veut dire “toi et moi”

En octobre 2010 Daniel Delaveau, maire de Rennes et Frédéric Bourcier, adjoint à l’urbanisme, se rendaient à Diyarbakir pour apporter un soutien à son maire, jugé aux côtés de 150 élus et personnalités kurdes. “Au-delà de la construction de logements, ce déplacement avait un caractère politique fort” lisait-on sur le site de la Ville de Rennes. Cette coopération entre les deux villes avait commencé en 1977 par l’envoi de trois bus, toujours en service et depuis cette date, la ville de Rennes a toujours entretenu des relations privilégiées avec “Diyarbakir la kurde”. Elle a affiché à maintes reprises sa solidarité pour défendre les droits humains et la liberté d’expression et répondu également aux demandes de coopération technique comme celle de mettre à disposition son expérience en matière d’urbanisme pour la rénovation du quartier de Ben u Sen.

C’était en 2005, Osman Baydemir, nouvellement élu maire de Diyarbakir était inquiet de voir la population pauvre s’entasser dans les quartiers auto-construits insalubres. Il a trouvé à Rennes une ville “jumelle” – bien que non jumelée – qui partageait une même identité de vue, celle d’éviter la rupture sociale pour des habitants dont la volonté de rester sur place ne faisait aucun doute.

Ben u Sen condamné à disparaître

Les Amitiés kurdes de Bretagne, qui sont mobilisées de leur côté pour défendre les droits culturels et politiques des Kurdes, ont tissé depuis 2012 des liens avec la population de ce quartier de Diyarbakir situé dans l’arrondissement de Yenisehir. Vu de la ville, c’est un bidonville. Vu de la vallée du Tigre, c’est un village. Une communauté d’environ 18 000 âmes, en majorité des familles venues des villages kurdes rasés par l’armée dans les années 1990, mais aussi des Tziganes et, depuis peu, des réfugiés syriens. Ben u Sen abrite ceux dont la société turque ne veut pas. Il incarne à la fois l’injustice qui leur est faite et leur résistance à cette injustice.

Un projet d’édition

La délégation, qui se rend au Kurdistan du 21 mars au 1er avril pour fêter le Newroz (22 mars) et observer les opérations de votes pour des élections locales et régionales (30 mars), va aller de nouveau à la rencontre des habitants du quartier de Ben u Sen pour leur présenter la maquette d’un projet qui doit voir le jour à l’automne de cette année : un livre de photos et de textes, résultat d’un travail de terrain mené depuis deux ans. Elle rencontrera en particulier les jeunes qui ont participé aux ateliers photos, les animateurs et les associations du quartier et également les élus et futurs élus de Diyarbakir et de l’arrondissement de Yenisehir. L’ambition affichée dans cette édition en préparation est de montrer la réalité telle qu’elle est au moyen de la photo et d’apporter un éclairage sur cette population pauvre mais solidaire, “inadaptée à une modernité hautement standardisée”. Les interrogations que posent une rénovation sont d’autant plus inquiétantes qu’apparaissent de forts antagonismes entre la politique de l’Etat et celle voulue par les Kurdes : “la nôtre est sociale, la sienne est libérale” dit Abdullah Demirbas, maire de Sur, arrondissement du centre de Diyarbakir également concerné par le projet.

André Métayer