Ben u Sen, vu de la ville, c’est un bidonville. Vu de la vallée du Tigre, c’est un village

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Entretien avec Murat Alokmen, directeur de l’urbanisme à la mairie de Diyarbakir.

photo02.jpgLes AKB ont rencontré le 1er avril dernier Murat Alokmen, directeur du département de l’Urbanisme à la mairie métropolitaine de Diyarbakir, qui a confié à la délégation garder un souvenir affectueux de sa venue à Rennes en mai 2008, alors qu’il accompagnait, avec trois autres chefs de services, M. Cagdas, Secrétaire Général de la Municipalité Métropolitaine de Diyarbakir. Il a rappelé les bonnes relations entre les deux villes, tout en regrettant qu’aucune convention ne soit signée ni qu’aucun projet ne soit défini. François qui s’est immergé dans le quartier de Ben u Sen avec son collègue photographe Gaël, souhaitait recueillir l’opinion de celui qui suit le projet de réhabilitation de ce quartier dont, selon nos photographes, les “couleurs continuent à faire tache dans un univers de plus en plus monochrome”.

La réhabilitation de Ben u Sen : la quadrature du cercle

D’entrée, Murat Alokmen, architecte de profession, pose l’équation difficile à résoudre :

le projet de réhabilitation de Ben u Sen pose deux problèmes majeurs : la gestion des abords des remparts (périmètre de protection) et le relogement des populations. Le dégagement des remparts est à ce jour presque terminé à l’intérieur de la ville. Celui-ci comprend l’évacuation complète du périmètre de protection et sa transformation en zone verte. Ce périmètre de protection est fixé par la loi et ne peut pas, en principe, être modifié. Concernant Ben u Sen, la mairie a repris la responsabilité du projet, suite à une réforme administrative concernant les prérogatives des municipalités métropolitaines, et remis en cause la participation de Toki

(entreprise de promotion immobilière d’Etat jugée trop dommageable d’un point de vue social).

Pour autant la question du relogement pèse si lourd que la mairie a bel et bien été amenée à passer, sur d’autres quartiers, des conventions avec Toki, avec les conséquences négatives que l’on connaît : déplacement des populations vers la banlieue, destruction du tissu social et des moyens de subsistance.

D’autre part, les remparts sont classés “monument historique national” et, à ce titre, dépendent du ministère de la culture :

la mairie, dit encore M. Alokmen, a donc peu d’influence sur le projet, notamment sur la question du périmètre de protection qu’elle aimerait cependant voir réduire. Elle est en discussion avec le ministère qui souhaite créer des zones urbaines réservées au relogement des déplacés.

L’UNESCO au secours de Ben u Sen

Murat Alokmen poursuit :

un dossier a été déposé auprès de l’ UNESCO visant à obtenir le classement des remparts sur la liste du patrimoine mondial. Il concerne les murailles ainsi que les jardins d’Hevsel, qui s’étendent le long du Tigre au sud de la ville. Une réponse définitive devrait intervenir en juin 2015 et c’est de ce classement par l’UNESCO que dépendent, entre autres, les moyens financiers attribués à la réhabilitation du quartier. Aucune décision de la mairie n’est attendue avant cette date. Il appartient désormais à la nouvelle équipe municipale d’infléchir et de relancer le projet.

Le mode de vie de Ben u Sen reposant sur des liens économiques et sociaux solidaires est donc aujourd’hui menacé mais tout espoir n’est pas perdu.

Propos recueillis par François Legeait.

Projet d’édition

La maquette d’un livre de photos et de textes, résultat d’un travail de terrain mené depuis deux ans par François Legeait et Gaël Le Ny sur le quartier de Ben u Sen, a été présentée lors des différentes rencontres que la délégation a sollicitées tant auprès des élus que des animateurs du quartier. L’accueil qui lui a été réservé conforte les AKB dans la poursuite de son action : la parution du livre est prévue pour l’automne prochain.

André Métayer

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