Débat au Parlement européen : « dialogue pour une solution pacifique de la question kurde en Turquie »

« Le dialogue pour une solution pacifique de la question kurde en Turquie » était la question débattue au Parlement européen de Strasbourg, mercredi 6 février 2013. De nombreux orateurs sont intervenus en séance plénière, dont Štefan Füle, Commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage.

Un succès permettrait non seulement de mettre fin à un conflit qui a fait des dizaines de milliers de victimes au cours des trois dernières décennies, mais résoudrait de nombreux problèmes en suspens en Turquie. Un succès jouerait un rôle primordial dans la promotion de réformes politiques et constitutionnelles et inciterait fortement à l’adoption de réformes judiciaires, celles notamment concernant les principaux problèmes liés à la liberté d’expression et autres droits fondamentaux. Un succès faciliterait la refonte de la Constitution, en ce qui concerne le droit de la citoyenneté.

Pour la présidente du Conseil de l’Union Européenne, Mme Lucinda Creighton, la question kurde a également des implications importantes pour l’élargissement, qui est une priorité pour la présidence irlandaise :

il est important pour l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, dont le processus est régulièrement soulevé dans le cadre des négociations d’adhésion. En tant que pays candidat, la Turquie doit satisfaire aux critères politiques de Copenhague, y compris la stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect et la protection des minorités. La question kurde a des implications dans tous ces domaines, mais s’étend aussi à des domaines connexes, tels que les droits culturels et socio-économiques. De toute évidence, la question kurde constitue un défi majeur et de longue date pour la Turquie. Les attaques terroristes rendent plus difficile la recherche d’une solution. Je tiens à répéter ici que l’UE et ses États membres condamnons fermement le terrorisme sous toutes ses formes et que le PKK est considéré par l’UE comme une organisation terroriste.

« Les enjeux régionaux sont considérables, Öcalan doit être conforté dans sa position de négociateur »

Hélène Flautre, Députée européenne (Europe Écologie – Les Verts) est intervenue au nom du groupe Verts/Alliance Libre Européenne (Verts/ALE). Elle croit, tout comme ses collègues, que le processus qui s’est ouvert en Turquie est de première importance, voire historique et qu’en cela il ne ressemble pas aux anciennes tentatives – qui d’ailleurs ont toutes échoué jusqu’à ce jour – de négociation pour la paix entre l’État turc et son gouvernement et les Kurdes.

Il s’agit de mettre fin à un cycle de violences de plusieurs décennies, un cycle de répressions et rébellions, qui a causé la mort de dizaines de milliers de personnes, et je dois dire que, pour les familles, qu’il s’agisse des mères, filles ou sœurs de policiers, de soldats, de guérilleros ou de civils, la douleur est la même. Il y a aussi des enjeux régionaux considérables qui, à la fois, motivent la détermination du gouvernement à avancer résolument vers la paix et la négociation et qui, en même temps, auront des effets majeurs de stabilisation à l’échelle régionale. Évidemment, après des dizaines d’années de méfiance, de violence, voire de haine, ce n’est pas simple de faire confiance mais ne pas le faire serait une erreur historique aux conséquences dramatiques. La population elle-même l’a montré très simplement, quand elle a accueilli à Diyarbakir, le corps des trois militantes kurdes dans le recueillement, sans aucune provocation d’aucune part. La population a dit sa détermination pour la paix et elle s’est fait respecter dans cette aspiration à la paix. Puisque M. Öcalan est reconnu comme le leader de l’ensemble de ces composantes, que le gouvernement a accédé, en quelque sorte, à cette vaste campagne de la population pour prendre M. Öcalan comme interlocuteur et négociateur, il faut que ce leader reconnu ait les moyens de mener à bien cette tâche historique. Il faut renforcer les conditions de travail de M. Öcalan, il faut qu’il puisse dialoguer avec les différentes composantes du mouvement pour trouver la meilleure synthèse, celle qui va permettre que toutes les parties soient gagnantes à l’aune de cet intérêt commun, en Turquie, qui est celui de la paix et de la démocratie.

« Le PKK doit être retiré de la liste des organisations terroristes »

Marie-Christine Vergiat (Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique), féministe, altermondialiste, militante de l’égalité, de la citoyenneté et des droits, députée européenne «Front de Gauche», a fait part de son émotion en évoquant l’assassinat, le 9 janvier dernier en plein centre de Paris, des trois militantes kurdes Sakine, Fidan et Leyla :

ce meurtre horrible a suscité une vague d’émotion sans précédent. Nombre de démocrates ont découvert la tragédie du peuple kurde. À Paris, 50 000 personnes se sont rassemblées le samedi qui a suivi l’assassinat. Des commentaires et des spéculations diverses s’en sont suivis, y compris de la part des autorités turques, et je le regrette.

Pour Marie-Christine Vergiat, c’est un moment historique et l’Union européenne doit mettre tout son poids dans la balance

et pas seulement, Monsieur le Commissaire, en termes d’aide financière. Elle doit mettre son poids politique dans la balance. Elle a su le faire ailleurs. Tous ceux qui connaissent la situation en Turquie savent comment les autorités turques utilisent la lutte contre le terrorisme pour emprisonner les militants kurdes et tous ceux et toutes celles qui luttent pour la démocratie, qu’ils soient journalistes, avocats, intellectuels et bien d’autres. Huit à dix mille personnes sont des prisonniers politiques en Turquie. Cela ne peut plus durer.

Elle met en garde l’Union européenne et ses États membres de ne pas prêter le flanc à la critique en la matière et exige, avant que la coopération politique se poursuive plus avant, une clarification de la définition du terme même de terrorisme.

Le PKK, avec qui le gouvernement turc négocie ouvertement aujourd’hui, doit être retiré de la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Tous ceux et toutes celles qui vivent en Turquie ont droit à la paix et ont droit au respect de leurs droits de la même façon. C’est effectivement l’avenir de la région qui est en cause. L’Union européenne doit aider l’ensemble des parties prenantes à dépasser ce que j’appellerai leurs crispations. Elle doit soutenir activement le processus de paix, peser de tout son poids pour qu’enfin il puisse être mené à son terme.

André Métayer