Des lettres de Dilan Aydin franchissent les murs de la prison d’Elaziğ

Recevoir un message de soutien de différentes parties du monde et différentes personnes ne peut que nous procurer de la joie,

écrit, enthousiaste, Dilan Aydin, universitaire de 29 ans embastillée depuis 5 ans, payant au prix fort ses activités militantes au sein d’une association.

C’est un moment qui nous donne confiance et courage, c’est vital pour nous. Le fait que vous souhaitiez connaître nos souffrances et notre histoire, c’est pour nous un motif de fierté.

Je m’appelle Dilan, j’ai 29 ans, je suis en prison depuis 5 ans. Je suis titulaire d’un diplôme universitaire et je militais au sein d’une association. C’est la raison pour laquelle j’ai été interpellée puis mise en détention. J’ai été condamnée à 7 ans et 6 mois d’emprisonnement. Notre association universitaire avait pour but de donner des cours et des formations culturelles et artistiques aux élèves. Je suis diplômée en philosophie et en psychologie. Après avoir terminé mes études universitaires, j’ai voulu intensifier mes activités au sein de l’Académie, mais j’ai été arrêtée et emprisonnée. En prison j’ai poursuivi mes études de philosophie et de psychologie. Je dirais même que j’ai amélioré, approfondi mes connaissances dans ces domaines. Mais l’administration de la prison n’a pas apprécié que je poursuive mes études et, en conséquence, elle m’a jetée dans une cellule d’isolement.

Dilan a tout fait pour poursuivre ses recherches, c’est sa façon à elle de surmonter l’isolement, de contrôler ses émotions, d’affermir la confiance en soi et de créer une force intérieure. La famille et ses amies codétenues l’aident à tenir le coup. Elle est mue par la volonté d’empêcher les personnes – qu’elle appelle les destructeurs – de les détruire, physiquement et psychologiquement :

A l’instar de milliers de jeunes Kurdes, je suis incarcérée injustement, sans preuve, sans aucun motif, uniquement pour satisfaire les besoins les plus abjects de ces destructeurs. Il faut que vous sachiez que nous sommes confrontées en permanence à des vexations, des mauvais traitements et autres types de répression pratiqués dans le milieu carcéral.

Dilan revient sur un incident qui l’a beaucoup marqué :

Nous avions, il y a quelques temps, dansé et chanté en kurde. Et pour ce motif, nous avons été punies. Des mesures disciplinaires ont été prises en notre encontre : interdiction de réunion, privation de parloir avec nos proches. Voilà la politique répressive insensée qui règne dans les prisons.

Elle relate aussi un incident dont l’épilogue a déjà été signalé par Leyla Güven :

Récemment, je suis tombée malade et on m’a donc conduit à l’hôpital où j’ai été mise en quarantaine. Pendant l’isolement, vous pouvez prendre l’air aux heures de promenade et, comme il faisait froid dehors, j’ai mis les mains dans les poches de mon manteau. Et pour cela, j’ai été injuriée. J’ai fait l’objet de menaces et d’insultes très dures de la part d’un gardien, personnel de l’administration pénitentiaire. À mon retour, j’ai relaté cette altercation à mes codétenues qui ont évidemment été très choquées. Leyla Güven, qui se trouve dans la même cellule que moi, a voulu dénoncer ce comportement inadmissible auprès de l’administration de la prison. Mais, lorsque Leyla Güven et trois de ses codétenues sont allées se faire vacciner, elles ont été agressées pour la même raison, de la même manière par la même personne, avec menaces et insultes, et ce en présence d’autres personnels administratifs. Le gardien insulteur a même osé dire à Leyla : “Qui es-tu pour mettre tes mains dans tes poches devant moi ?” en la traitant de tous les noms. Nous avons, toutes ensemble, déposé plainte contre ce gardien mais elle fut classée sans suite. Cependant Leyla a été condamnée à 11 jours de mitard. Voilà quelques exemples d’agressions injustifiées qui sont monnaie courante en prison.

Malgré tout cela, Dilan n’a jamais faibli, bien au contraire, sa volonté de lutter s’en est trouvée renforcée :

Un million de personnes partagent notre lutte, certaines ont donné leur vie, d’autres ont sacrifié leur liberté et se retrouvent en prison. Mais malgré toutes les difficultés, malgré tous les obstacles, jamais ils ne pourront, ceux qui ont le pouvoir en Turquie, empêcher le peuple kurde à parvenir à obtenir ses droits. La lutte continue et continuera.

Dilan Aydin termine sa lettre en témoignant de sa reconnaissance pour tous les messages de solidarité qu’elle reçoit et avec l’espoir de nous rencontrer un jour dans un monde libre et plein d’espoir.

André Métayer

Photo : Dilan Aydin et Leyla Güven