DES MILLIERS DE KURDES MANIFESTENT À STRASBOURG POUR ÖCALAN

Une dépêche de l’Agence France Presse reprise par les journaux annonce ainsi l’événement : des milliers de Kurdes, venus massivement, et en famille, d’Allemagne, de France ou de Suisse (5 000 à 7 000 selon les organisateurs, 3 100 selon la police) ont manifesté à Strasbourg, ce samedi 10 octobre, pour réclamer la libération du Président du PKK, Abdullah Öcalan, détenu en Turquie depuis 1999, mais aussi pour exiger un règlement politique de la question kurde sur la base de négociations sans préalables entre les parties en conflit.

“Le 9 octobre 1998, date à laquelle Abdullah Öcalan a été contraint de quitter la Syrie, est considéré par la FEYKA (Fédération des Associations kurdes en France), organisatrice de la manifestation, précise de Strasbourg Fidan Dogan, comme marquant le début d’un véritable complot international contre le leader kurde qui se traduisit par son arrestation le 15 février 1999, suivie de sa condamnation à la peine capitale commuée à la prison à vie.”

Eyyup Faruk Doru, Vice-président de la Commission des Affaires Étrangères du Congrès National du Kurdistan (K.N.K.), ajoute :

“La question kurde ne peut plus être niée et la reconnaissance de notre identité culturelle et politique ne peut plus être différée ; il était donc important pour les Kurdes de réussir ce rassemblement au moment où le Président de la Turquie, Abdullah Gül, se trouve en France, sans que la diplomatie française se saisisse, pour autant, de l’occasion pour appuyer nos revendications légitimes que nos représentants politiques, appuyés par la “vox populi” ont exprimés maintes et maintes fois.”

Mais, “business is business”, et pas question de venir troubler un tête à tête présidentiel en plein deal : la France, déjà deuxième investisseur en Turquie, propose une coopération franco-turque en matière nucléaire et le président Gül a fait savoir à son homologue qu’il acceptait de jeter un voile sur le vote du Parlement français reconnaissant le génocide arménien et d’accepter, en conséquence, que les entreprises françaises, jusque là exclues, participent au projet de gazoduc Nabucco.

Et si l’on en croit les commentaires qui suivent la publication de la dépêche de l’AFP dans le Figaro sur la manifestation kurde de Strasbourg, une certaine opinion française semble largement sous-informée ou instrumentalisée et relaie complaisamment des a priori tenaces :

“… c’est agaçant de voir un pays qui a reconnu une organisation terroriste comme telle lui permettre par le biais de ses sympathisants de manifester en toute liberté dans les rues européennes… arrêtons cette hypocrisie.”

L’hypocrisie, c’est d’inscrire pour des raisons stratégiques et mercantiles sur des “listes d’organisations terroristes” – celle dont on parle n’ayant d’ailleurs été validée par aucune cour de justice – les mouvements de libération qu’on veut discréditer ; cette pratique est d’ailleurs fort ancienne et assez courante : souvenons-nous des mouvement de résistance comme les FTP (Francs-Tireurs et Partisans) ou les FFI (Forces françaises de l’intérieur)… Ceux qui n’ont pas connu la guerre pourront utilement voir ou revoir “la Bataille du rail ” de René Clément (1946) ou “L’Armée du crime” de Robert Guédiguian (2009). A défaut, ils pourront fredonner avec moi la chanson de Léo Ferré : “vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes ” (“L’affiche rouge”, poème de Louis Aragon).

André Métayer