Diyarbakir, le 31 mars 2016

Le calme et la détresse continuent de se relayer à vive allure. Les problèmes s’entremêlent et il est difficile de hiérarchiser les informations. Tout mort mérite d’être nommé.

  1. Ce matin, les forces de police turques enlevaient les barrières entourant le quartier de Sur, abandonnant les check points aux portes de la vieille ville. Les plus optimistes et les moins expérimentés (je fais partie des deux catégories) y voyaient une sorte de marée basse après le long épisode de couvre feu imposé au quartier. De ces longues semaines pendant lesquelles la guérilla urbaine et l’armée turque se sont affrontées, il ne reste que des ruines. Des ruines et des cadavres : si les tirs ont cessés, c’est qu’il ne reste plus de combattant. Ces jeunes, non formés au combat et mal équipés, ont tous été éliminés par l’armée gouvernementale.
  2. Le gouvernement turc a annoncé récemment la réquisition de 6300 parcelles de Sur soit la quasi-totalité des biens fonciers de la vieille ville. Les 20 000 habitants qui ont fui la zone n’auront donc pas le loisir de réinvestir les lieux. Les pelleteuses semblent avoir déjà commencé leur travail dans les zones touchées par les combats, effaçant ainsi traces, preuves et mémoire des affrontements. Le reste du district doit lui aussi être détruit. Rappelons que ce quartier représente le cœur même de l’identité kurde en Turquie ; cette décision ne peut donc qu’amplifier la colère des habitants. La municipalité de la ville a décidé de porter plainte contre l’Etat.
  3. Un attentat visant un véhicule de police a eu lieu en fin d’après-midi aux alentours de l’auto-gare. L’explosion a également touché un bus civil qui passait à proximité. Le bilan est de 7 morts (tous policiers) et 27 blessés (policiers et civils). A 21h00, l’attentat n’était pas encore revendiqué.
  4. S’ajoutant à ces événements, de nombreuses humiliations et drames silencieux continuent de tramer la ville : hier soir, tandis que les forces de police réquisitionnaient une école sur les hauteurs de Ben û Sen et abattaient un mur, deux jeunes enfants sont morts sous les éboulis : Ayaz Özdemir et Furkan Öner. Ils n’étaient ni combattants, ni militants. C’étaient des enfants qui jouaient dans la rue. Que leurs noms soient prononcés au même titre que les autres.

Ce bilan ne concerne que deux journées dans la seule ville de Diyarbakir.

Elie G.