Douleur, indignation, colère : le triple assassinat de Rojbîn, Sakine et Leyla restera impuni

Le mercredi 9 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz, Fidan Dogan (Rojbîn) et Leyla Saylemez étaient froidement assassinées d’une balle dans la tête, dans les locaux du Centre d’Information du Kurdistan, situés au 147 rue La Fayette à Paris.

Depuis, de nombreux appels se sont multipliés pour demander aux autorités françaises toute la lumière sur ce crime politique odieux. De nombreux éléments de l’enquête, notamment un enregistrement sonore, font apparaître que le meurtrier présumé, Ömer Güney, a agi pour le compte des services secrets turcs (MIT). Depuis le début de l’enquête, on a observé l’absence de volonté des autorités turques et françaises de faire la lumière sur ce triple assassinat. Le procès du présumé coupable, qui devait se tenir devant la cour d’assises spéciales de Paris, du 23 janvier au 10 février, n’aura finalement pas lieu : Ömer Güney est décédé hier, 17 décembre.

Les familles sont indignées :

comment se fait-il que la procédure ait duré près de quatre ans, alors que la justice française était parfaitement informée des graves problèmes de santé de l’accusé, qui étaient attestés par des expertises médicales régulièrement versées au dossier ? Pourquoi la date du procès a-t-elle été fixée à janvier 2017, alors que l’instruction avait été bouclée en mai 2015 ? Est-ce intentionnellement que le procès a été reporté du 5 décembre 2016 au 13 janvier 2017 ?

Les avocats accusent :

les commanditaires de ces assassinats sont libres et toujours vivants : ils sont au pouvoir en Turquie !

et pointent avec ironie le soulagement pour le pouvoir politique français, enfin débarrassé d’un dossier politiquement bien encombrant, le soulagement pour les services de renseignements français qui ont laissé se dérouler ces crimes sur notre territoire et qui ont préféré leurs relations avec leurs homologues du MIT (services secrets turcs), le soulagement enfin pour le pouvoir turc et ses dirigeants.

La Coordination nationale Solidarité Kurdistan a publié un communiqué réclamant justice et vérité :

nous nous associons à la douleur des familles et crions avec elles notre émotion, notre indignation et notre colère. Mais rien n’entamera notre détermination pour que la vérité éclate. La Justice et la Vérité sont toujours dues aux familles et cette situation nouvelle ne nous fera pas abandonner cet objectif.

André Métayer

Communiqué de la CNSK : Vérité et justice pour Sakiné, Fidan et Leyla

Le Parquet de Paris a annoncé le décès d’Omer Güney, le présumé coupable du triple assassinat, en relation avec une entreprise terroriste, de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez. Sa disparition interrompt le processus judiciaire en cours. Le procès, qui devait s’ouvrir le 23 janvier, attendu par les familles des victimes, le peuple kurde et toutes celles et ceux qui demandaient Justice et Vérité, n’aura pas lieu. Ce n’est pas un hasard : nul ne pouvait ignorer que le présumé coupable souffrait d’un mal incurable et que ses jours étaient comptés. C’est sans doute pour cela qu’il avait été choisi par ses employeurs.

Personne ne peut croire que ces assassinats furent l’œuvre d’un seul homme. Pour la première fois en France, dans une instruction judiciaire ouverte pour des crimes politiques, la Justice française évoquait la possibilité d’une implication d’un service de renseignement étranger en l’occurrence le MIT (service de renseignement turc).

Ce procès devait permettre de faire toute la lumière sur les commanditaires, fussent-ils les plus hauts dirigeants de l’Etat turc et sur les dysfonctionnements des services du renseignement français ; il devait répondre à la question: pourquoi la France n’a pas assuré la sécurité de celles auxquelles elle avait accordé sa protection avec le statut de réfugiées politiques? Pourquoi n’a-t-elle pas déclassifié certains documents classés “secret défense”?

Les avocats des familles font part dans un communiqué de la “colère des familles des victimes, privées d’un procès public qu’elles attendaient depuis près de quatre années, familles, qui, elles, espéraient en la justice française”. Nous nous associons à la douleur des familles et crions avec elles notre émotion, notre indignation et notre colère. Mais rien n’entamera notre détermination pour que la vérité éclate.

La Justice et la Vérité sont toujours dues aux familles et cette situation nouvelle ne nous fera pas abandonner cet objectif.

Paris le 17/12/2016

Communiqué commun des familles des trois militantes kurdes assassinées à Paris le 9 janvier 2013

Dans l’après-midi du vendredi 16 décembre 2016, nos avocats nous ont informés de l’état de santé critique d’Ömer Güney, accusé des assassinats de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez. Nous avons par la même occasion été informés du fait que l’avocat de l’accusé avait introduit une demande de mise en liberté qui devait être examinée le 19 décembre 2016.

Alors que nous étions réunis samedi pour discuter de ces évolutions, nous avons appris la mort de l’accusé.

L’instruction ouverte au lendemain du massacre a duré deux ans et demi. Elle a été clôturée en mai 2015 et un réquisitoire a été pris le 9 juillet 2015. Mais la justice a attendu un long moment, avant de fixer finalement la date du procès d’assises au 5 décembre 2016. Par la suite, la date du procès a cependant été repoussée, sans motivation, au 23 janvier 2017. Jusque-là, on peut interpréter cette lenteur comme relevant de la lourdeur propre à la justice française.

Compte tenu des dernières évolutions, nous attendons des réponses à ces questions :

  • comment se fait-il que la procédure ait duré près de quatre ans, alors que la justice française était parfaitement informée des graves problèmes de santé de l’accusé, qui étaient attestés par des expertises médicales régulièrement versées au dossier ?
  • pourquoi la date du procès a-t-elle été fixée à janvier 2017, alors que l’instruction avait été bouclée en mai 2015 ?
  • est-ce intentionnellement que le procès a été reporté du 5 décembre 2016 au 13 janvier 2017 ?

Comme cela apparaît dans le dossier et dans l’acte d’accusation, il s’agit d’un crime organisé ; l’auteur du crime n’est pas seul, il a derrière lui le service turc du renseignement (MIT).

Nous, les familles des victimes, avons constamment exigé que les commanditaires de ce massacre soient dévoilés, identifiés. Le peuple kurde et ses amis ont manifesté à maintes reprises pour appeler la justice française à faire toute la lumière sur ces assassinats. A chaque occasion, nous avons appelé les autorités politiques à ne couvrir les puissances se trouvant derrière ce massacre au nom de leurs intérêts politiques et économiques.

Nous avons par ailleurs alerté à plusieurs reprises sur le risque d’élimination de l’accusé. A chaque occasion, nous avons répété nos avertissements. Le dernier événement montre malheureusement que nous avions raison.

Il s’agit là d’un scénario écrit à l’avance. Si le procès avait eu lieu, ce n’est pas seulement Ömer Güney qui aurait été jugé, mais, dans le même temps, l’Etat turc et son MIT. C’est cela qu’on a voulu empêcher et qui a finalement été empêché. Ömer Güney était un pion. En éliminant ce pion, on a mis l’Etat turc à l’abri.

Les autorités françaises sont responsables de cette situation.

Nous, les familles des victimes, poursuivrons notre combat pour la vérité et la justice. Ces assassinats ne sont pas le fait d’une seule personne. Leurs commanditaires doivent également être identifiés et jugés. Un accusé a été éliminé, mais sa mort ne doit pas entraîner la clôture du dossier, elle ne doit pas permettre à l’Etat turc d’échapper à la justice. Nous appelons toutes les personnes attachées à la justice et à la vérité à nous soutenir dans notre combat.

17.12.2016

Metin Cansız, frère de Sakine Cansız
Hasan Doğan, père de Fidan Doğan
Cumali Şaylemez, père de Leyla Şaylemez

Communiqué des avocats

L’assassin présumé des trois femmes kurdes à Paris en 2013 est mort. Les commanditaires de ces assassinats sont libres et toujours vivants : ils sont au pouvoir en Turquie !

Omer Güney, l’assassin présumé des trois femmes kurdes tuées à Paris en janvier 2013, vient de mourir dans un hôpital parisien. Atteint d’une tumeur au cerveau depuis de nombreuses années, il était détenu depuis le 22 janvier 2013.

Son procès devait se tenir devant la Cour d’Assises de Paris du 23 janvier au 24 février 2017.

Avec un travail rigoureux, sérieux et rapide, tant des policiers de la Brigade criminelle que du magistrat instructeur, qui a réussi à boucler ce volumineux dossier en seulement deux ans et demi d’instruction, tout avait été fait pour que ce procès se déroule rapidement.

Le pouvoir politique, à travers son Parquet, a alors repris la main sur ce dossier, pour le laisser s’enliser dans les méandres de la justice routinière.

Deux ans et demi d’enquête et d’instruction…mais dix-huit mois pour trouver une date d’audience. Cette mort, bien opportune, soulage un certain nombre de personnes :

  • soulagement pour le pouvoir politique français, enfin débarrassé d’un dossier politiquement bien encombrant ;
  • soulagement pour les services de renseignements français qui ont laissé se dérouler ces crimes sur notre territoire, et qui ont préféré leurs relations avec leurs homologues du MIT (services secrets turcs) ;
  • soulagement pour le pouvoir turc et ses dirigeants, débarrassé d’une audience publique qui aurait dévoilé publiquement les liens entre l’assassin, les services secrets turcs et le pouvoir turc.

Mais colère des familles des victimes, privées d’un procès public qu’elles attendaient depuis près de quatre années, familles, qui elles, espéraient en la justice française.

Et consternation de voir qu’une fois de plus, la France n’est toujours pas capable de juger un crime politique commis sur le territoire français par des services secrets étrangers.

Sylvie Boitel – Antoine Comte – Virginie Dusen – Jan Fermon – Jean-Louis Malterre, avocats

A la mémoire de notre amie Rojbîn.
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