Elections législatives en Turquie : le HDP compte sur le vote des Kurdes expatriés en Europe

La Turquie va élire une assemblée parlementaire (Grande Assemblée) de 550 membres le 7 juin prochain. Les opérations de vote sont déjà commencées depuis le 8 mai pour les électeurs de la diaspora dans 53 pays du monde. Elles seront closes le 31 mai. Elles concernent 2,8 millions d’électeurs potentiels – soit plus de 5% d’un total de 53 millions – répartis sur plus de 50 pays dont notamment l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique et l’Autriche. Le nombre d’électeurs potentiels en France est de 300 000. Les partis politiques font une campagne active. Ainsi le président Erdogan, coran à la main, s’est déplacé en personne pour l’AKP (parti islamo conservateur au pouvoir) en Allemagne et en Belgique et Selahattin Demirtas, co-président du HDP, a présidé plusieurs meetings en Allemagne et en France, notamment à Paris et Marseille. La mobilisation des Kurdes y est forte, comme à Toulouse, Bordeaux et Strasbourg. Les observateurs estiment que la participation kurde sera bien supérieure à celle de l’élection présidentielle : c’est peut-être la clef du succès pour le HDP qui vise un score supérieur à 10% des voix sur le plan national pour être représenté à la Grande Assemblée de Turquie. Pour atteindre les 4,5 millions de voix qui lui sont nécessaires, il a besoin des 400 000 voix que la diaspora peut lui apporter.

Evin Bingöl candidate à Erzurum

Le HDP présente, en 4ème position sur la liste régionale d’Erzurum, la candidature de Dilin Bingöl, une jeune avocate de 31 ans, bien connue à Rennes où sa famille, fuyant les persécutions, avait trouvé refuge. Son père Bahattin, militant du HADEP (parti pro-kurde) avait été arrêté et torturé après qu’il fut candidat aux élections municipales de mars 1994. La famille avait donc été exfiltrée d’Erzurum et pris la route de l’exil alors qu’Evin (Dilin) n’était encore qu’une enfant.

Dans le cadre du film “Kurdistan, je reviens qui n’existe pas” duquel il avait participé à la réalisation en 1997, Ariel Nathan avait interviewé la famille Bingöl et notamment Evin, qui s’exprimait déjà avec une grande détermination : elle se disait prête à retourner au Kurdistan “quand on aura gagné”. Après des études à la faculté de droit de l’Université de Rennes 1 et à l’Université de Galatasaray à Istanbul, Evin a voulu participer au combat pour la reconnaissance des droits du peuple kurde, en digne arrière-petite-fille du Şêx Seîdê (Cheikh Saïd).

Les Bingöl sont les descendants directs du Cheikh Saïd

Mustafa Kemal Atatürk avait promis aux Kurdes, durant la guerre de libération, un état fédéral, promesse qu’il s’empressa d’oublier en mettant en place un système centralisé niant tous droits au peuple kurde. En réaction, un Comité d’Indépendance se créa dont le Cheikh Saïd, chef religieux de la région d’Erzurum âgé de 80 ans, prit la tête en février 1925. En l’espace d’un mois, il rallia le tiers du Kurdistan de Turquie. La France, en autorisant l’utilisation de la ligne du chemin de fer, permit aux troupes turques de passer par la Syrie et de prendre à revers les combattants kurdes. Le Cheikh Saïd fut capturé le 15 avril 1925 et pendu, au centre de la ville de Diyarbakir, avec une cinquantaine d’autres leaders de la révolte qui porte son nom.

Le Cheikh Saïd reste une grande figure religieuse et nationaliste kurde et sa famille, de ce fait, jouit, encore aujourd’hui, d’une grande considération.

André Métayer