Erdoğan veut écraser Kobanê, symbole de la résistance kurde face à l’Etat islamique

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“Quatre ans après la victoire historique de Kobanê par les forces YPG/YPJ, la Turquie veut sa revanche, bombardements et offensives militaires sont menées en coordination direct avec l’EI” comme le dénonçait le Collectif Droit de l’Homme Turquie – Solidarité Kurdistan 13[[Centre Démocratique Kurde Marseille (CDKM) – Association Arin Mikran – Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Marseille – Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) 13 – Parti Communiste Français (PCF) 13 – Parti de Gauche 13 – Solidarité & Liberté Marseille – Union Départementale CGT]] en appelant à manifester dimanche dernier à Marseille, pour dire “stop à Erdoğan”.

Le 1° novembre c’était le Conseil démocratique kurde de Rennes qui organisait une une marche à l’occasion de la journée mondiale pour Kobanê jeudi et qui invitait toutes les organisations démocratiques à se joindre à ce rassemblement. Et le 13 octobre dernier c’étaient les Amitiés kurdes de Lyon qui organisaient une soirée de solidarité avec le peuple kurde. D’autres manifestations s’organisent à La Roche s/Yon par exemple.

Il faut bien que les citoyens se lèvent tant leurs dirigeants semblent tétanisés… Comme dans les années trente ?

“Je suis frappé par cette ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux guerres” a déclaré très sérieusement au journal Ouest-France (01/11/2018) Emmanuel Macron au lendemain du sommet du 27 octobre où il avait retrouvé Vladimir Poutine et Angela Merkel, autour de Recep Tayyip Erdoğan qui les recevait à Istanbul, pour parler de la Syrie.

Où est la vigueur démocratique et républicaine ?

Aucune décision majeure ne fut prise ce 27 octobre et pour cause : l’obsession du monarque turc n’est pas de créer les conditions pour ramener la paix en Syrie mais d’éradiquer tout ce qui peut menacer son pouvoir autocratique, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Turquie. Il ne semble pas que nos dirigeants aient mis le poing sur la table, bien que, dans ses déclarations au journal Ouest-France, E. Macron ajoutât :” comment résister ? En portant la vigueur démocratique et républicaine”. Au même moment, en effet, Recep Tayyip Erdoğan faisait pilonner par son armée les positions des Unités de protection du peuple (YPG) situées sur la rive est de l’Euphrate dans le nord de la Syrie, à l’ouest de Kobanê. Or, les YPG sont l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS). Et les FDS, coalition arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis et par la France pour combattre le groupe Etat islamique (EI), ont été les seules unités combattantes au sol capables de faire reculer, en Syrie, les djihadistes islamistes. Les timides protestations du M.A.E. qui appelle “à la retenue” semblent dérisoires et rappellent “l’esprit munichois” des années 30 que nous avions dénoncé en 2016 et plus récemment en février 2018.

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Le projet néo-impérial ottoman et national-islamiste d’Erdoğan, une ambition assumée

“Le soutien tous azimuts du néo-sultan aux mouvements et forces islamistes sunnites dans la région (Hamas palestinien, islamistes de Fajr Libya en Libye, Rebelles frères musulmans et jihadistes syriens liés à Fatah al-Sham et ahrar al-sham, Mourad Sultan, Noureddine al-Zinki, etc.) participe d’un projet néo-impérial ottoman et national-islamiste panturc extrêmement ambitieux” soutient Alexandre del Valle, géopolitologue franco-italien (son dernier ouvrage : “La stratégie de l’intimidation”, Editions de l’Artilleur, mars 2018). Et Recep Tayyip Erdoğan n’en fait pas mystère. Toute l’instrumentalisation de la lamentable affaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul n’a qu’un seul but : ravir à l’Arabie Saoudite le leadership du monde musulman, notamment au Proche-Orient. En Syrie, il ménage ses alliés en mettant en avant son pseudo combat contre les “terroristes” : “nous allons détruire la structure terroriste à l’est de l’Euphrate. Nous avons terminé nos préparatifs, nos plans et nos programmes à ce sujet”, a déclaré le chef de l’Etat turc dans une intervention devant les députés de son parti au Parlement. Depuis plusieurs mois, il menace d’attaquer Manbij, où des militaires américains et français sont également déployés, comme il menace maintenant de lancer une offensive généralisée à l’est de l’Euphrate.

“Erdoğan, allié des forces islamistes,” dénonce Saleh Muslim

Salih Muslim, représentant des relations extérieures du Mouvement pour une Société Libre (TEV-DEM) et ancien co-président du Parti de l’Union démocratique (PYD), réagissant à l’offensive turque, fait le lien entre le sommet d’Istanbul et les attaques contre Kobanê et Girê Spî. Pour lui, l’État turc attaque le Rojava pour s’assurer que ses exigences soient satisfaites :

l’État turc essaye d’empêcher la possibilité d’une solution politique. C’est la raison pour laquelle il protège les bandes armées à Idleb, Afrin et Deir Ez Zor. L’État turc essaye de détourner l’attention d’Idleb pour empêcher que les bandes armées qu’il protège soient écrasées. Il veut détruire le peuple kurde avec ces attaques, mais il menace aussi ouvertement la coalition internationale. Le monde entier sait maintenant que l’État turc alimente l’Etat islamique. C’est à la communauté internationale de prendre ses responsabilités. Les combattant-e-s des YPG/YPJ se battent pour toute l’humanité à Deir Ez Zor pendant que l’État turc attaque des régions qu’ils-elles ont libéré de l’EI. Ces attaques sont complètement irresponsables. La communauté internationale devrait considérer ces attaques comme une ligne rouge à ne pas franchir et prendre ses responsabilités. Les Unités de protection du peuple réagiront à toute menace ou attaque.

Erdoğan, avec sa puissante armée, la deuxième de l’Otan, peut écraser sous ses bombes les Forces démocratiques syriennes (FDS) si les pays européens et le Pentagone le laissent faire, mais il ne pourra éradiquer la résistance kurde. Il doit s’attendre, au Rojava comme au Bakûr (Kurdistan turc), à une résistance acharnée qui dure déjà, en Turquie, depuis des décennies. Les forces combattantes s’y préparent : la guérilla du 21 °siècle ne sera pas celle du siècle dernier. Elle s’adapte à la technologie moderne. Sa force est d’être une armée fantôme, qui peut se disperser sur le sol en très petites unités, frapper l’ennemi intensément, émerger pour détruire des cibles et disparaître soudainement si nécessaire.

La guerre voulue par Erdoğan sera meurtrière. Elle peut être évitée. Comment ? “En portant la vigueur démocratique et républicaine”.

André Métayer