Erdogan veut faire taire l’expression démocratique du peuple kurde

Après le pas fait en direction des grévistes de la faim, l’annonce que les conversations, pour ne pas dire les négociations, allaient reprendre entre les représentants du gouvernement de Turquie et Abdullah Öcalan, que les Kurdes reconnaissent comme leur leader, on aurait pu croire qu’une voie nouvelle, celle du dialogue, s’entrouvrait. Une fois encore il a fallut déchanter : selon l’agence de presse Anatolie, les services du Premier ministre Erdogan ont transmis à la présidence de l’Assemblée une demande d’autorisation pour l’ouverture d’une enquête visant dix députés sous l’accusation “d’aide à une organisation terroriste armée”.

Demande de levée de l’immunité parlementaire

RT Erdogan avance pas à pas. Non content de maintenir en détention six députés du Parti pro-kurde BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie), il demande la levée de l’immunité parlementaire de dix autres élus, dont Gultan Kisanak, co-présidente du BDP et Aysel Tugluk, co-présidente du Congrès pour une Société Démocratique (DTK), pour avoir rencontré, sous l’œil des caméras de la télévision et au milieu d’une foule en liesse, les troupes du PKK qui avaient pris le contrôle de la région de Hakkari. Cette annonce est tout simplement le prélude de l’interdiction pure et simple du BDP, comme ce fut le cas par le passé des partis pro kurdes qui l’ont précédé. C’est pour le moins la disparition du groupe parlementaire et de l’expression démocratique d’un parti légal. L’intrusion coutumière du tout puissant chef de l’exécutif dans le fonctionnement de l’assemblée législative marque une escalade dans la répression dont sont victimes tous les représentants légitimes du peuple kurde.

Réprimer, décapiter, éradiquer le BDP

Déjà les différents témoignages recueillis sur place faisaient état depuis longtemps du traitement réservé aux représentants du peuple : aucun député, aucun maire, qu’ils soient hommes ou femmes, ne sont épargnés dans l’accomplissement quotidien de leur mandat. Ils sont toujours les premiers visés par les coups de matraques, les jets des grenades lacrymogènes et des canons à eau, au cours des manifestations qui ponctuent la vie des citoyens de cette région et des villes qui les ont élus. Les interpellations et les mises en détention continuent venant s’ajouter aux milliers de membres actifs du BDP, parmi lesquels 6 députés, 36 maires, 230 conseillers municipaux, 56 membres du Conseil national du BDP. Et la liste n’est pas close, le gouvernement Erdogan n’envisageant pas d’en rester là : à une question écrite déposée par le député BDP Sadullah Ergin, le ministre de la Justice a fait savoir que la capacité d’accueil dans les prisons atteindra 203 223 places d’ici à 2016, soit une augmentation de 80 000 places. Pour comparer, on compte en France, au 1er août 2012, 57 236 places opérationnelles pour 66 748 écroués ou détenus.

André Métayer