Festisol en décembre à Rennes : exposition photographique de Tony Rublon

Une mission des Amitiés kurdes de Bretagne avait l’intention de se rendre en octobre 2016 à la rencontre des Yézidis dans les montagnes de Şengal (Sinjar). La délégation a dû faire demi-tour pour manifester sa solidarité avec Diyarbakir, dont l’arrestation des co-maires Gültan Kışanak et Firat Anli constituait un évènement éminemment tragique, tout en demandant à deux de ses membres de continuer la route qui devait les conduire jusque dans cette région où, déjà, rien n’allait plus entre le PDK de Barzani et les Yézidis. Ils y recueillirent des témoignages et en revinrent avec des photos qui seront exposées au public pour la première fois :

Maison internationale de Rennes, 7 quai Chateaubriand, galerie d’exposition de l’espace international Pierre Jaffry

du 1er décembre au 6 décembre, de 10h à 12h30 et de 14h00 à 18h00

André Métayer

Sinjar : ce que nous disent les ruines

Dans la nuit du 2 au 3 août 2014, des milliers de membres de l’Etat islamique (EI) pénètrent dans la région de Şengal : les peshmergas (l’armée du Kurdistan d’Irak) désertent la région quelques heures avant leur arrivée, laissant les civils sans moyen de défense. En 24 heures, près de 200 000 âmes se jettent sur les routes de l’exode, en grande majorité yézidies, cette minorité confessionnelle qui peuple les monts Şengal depuis plusieurs centaines d’années. Pendant plus de 15 mois, les combats opposant l’EI aux forces kurdes des PKK, YPG, YBŞ, peshmergas vont transformer les villages et les villes en effrayants champs de ruines.

Les ruines questionnent notre rapport au temps et à l’espace. Elles finissent par intégrer pleinement le monde des vivants, devenant des enjeux militaires et politiques. Que faire de ces ruines, stigmates du temps, témoins des moindres horreurs, derniers rescapés du massacre ? Révélant la réalité d’une situation de crise, elles nous confrontent à l’absence de vie, nous forcent à écouter et voir le silence.

Après la défaite de l’EI, le conflit s’est poursuivi à l’intérieur du mont Şengal entre les peshmergas et les forces kurdes des PKK, YPG, YBŞ. La région s’est alors divisée géographiquement, poussant la population à choisir un camp : sur les ruines, de nouvelles divisions surgissent et s’implantent durablement.

Près d’un an après la libération, la région entière garde les cicatrices de l’invasion de l’EI. Mais au cœur des villes en ruines, entre les carcasses de voiture et les tôles brulées, la vie s’enracine de nouveau, elle reprend ses droits là où le chaos lui avait intimé de s’exiler. Dans le dénuement le plus total, la société se reconstruit, l’éducation des enfants redevient prioritaire et l’on essaye d’oublier la ligne de front qui ne se trouve pourtant qu’à quelques kilomètres.

Entre enjeux politiques et omniprésence du religieux, le mont Şengal illustre la complexité d’un Moyen-Orient troublé et chaotique. Ces photos rendent hommage à ces interstices de vie qui se déploient entre les ruines. A ces hommes, ces femmes, ces enfants qui habitent les stigmates du temps.

Tony Rublon