« Honte et déshonneur » : l’armée turque se conduit au Kurdistan comme une bande de soudards

La Turquie est bien entrée en guerre le 24 juillet dernier contre ses propres citoyens d’origine kurde. Le massacre de Suruç, non revendiqué par l’Etat islamique, apparaît de plus en plus comme une machination des services secrets turcs pour justifier une campagne militaire violente, préparant elle-même une campagne électorale musclée devant aboutir, après la dissolution du parlement, à de nouvelles élections législatives. C’est le projet diabolique du sultan Erdoğan, prêt à tout pour obtenir la majorité requise d’un parlement à sa botte, qui lui permettra d’exercer le pouvoir absolu. Un véritable coup d’Etat constitutionnel qui se prépare sous les yeux de tous. Pour le sultan, qui cache difficilement ses sympathies islamistes, l’ennemi n°1 n’est pas l’Etat islamique mais les Kurdes, qu’ils soient à l’intérieur ou aux marches de son empire. Le Rojava est aussi dans son collimateur.

Le Congrès national du Kurdistan dénonce ce coup de force

Le Congrès national du Kurdistan (KNK) dont le siège est à Bruxelles, organe représentatif des aspirations des Kurdes du Kurdistan oriental (Iran), occidental (Syrie), sud (Irak), nord (Turquie) et de la diaspora, dénonce l’attaque généralisée des forces militaires turques prenant des civils pour cibles, bombardant les commerces et les maisons délibérément et explicitement. Il en appelle à la communauté internationale :

la Turquie est en train d’adopter la même politique que l’EI dans de nombreux districts kurdes et villages dans les régions kurdes de Turquie. Le régime turc avait engagé une campagne similaire dans les années 1990. Pendant cette période, le régime avait brûlé 4 000 villages kurdes et déplacé de 3 000 000 de personnes. Le régime répète à nouveau la même politique et la même pratique.

La loi martiale est de nouveau appliquée (avec ordre de tirer à vue) dans les cantons de Lice et de Silvan. Le couvre-feu est appliqué la nuit dans la province de Diyarbakir.

La représentation du HDP en Europe dit “stop”

La représentation du HDP (Parti démocratique des Peuples) en Europe fait elle aussi état des nombreuses exactions commises par l’Etat turc, notamment dans les régions de Silvan, Varto, Silopi and Şemdinli et lui demande de cesser cette politique qui ne peut conduire qu’au chaos. Elle dénonce notamment les nombreuses arrestations de militants et en particulier celles de maires nouvellement élus. Ainsi ont été interpellés et incarcérés Yüksel Bodakçı et Melikşah Teke, co-maires de Silvan, Seyid Narin et Fatma Şık Barut, co-maires de l’arrondissement centre de Diyarbakir, suivant en cela leur prédécesseur, Abdullah Demirbaş.

Les co-maires Dilek Hatipoğlu et Nurullah Çiftçi de Hakkari ont également été interpellés et mis en détention. Le HDP dénonce Le blocage des voies démocratiques : “nos problèmes ne peuvent se résoudre que par la voix du dialogue et de la négociation”. On peut noter par ailleurs une certaine retenue des troupes combattantes du PKK. Elles sont incontestablement présentes dans les régions attaquées par l’armée turque et ne restent pas l’arme au pied. Elles réagissent au coup par coup, entre la rage d’en découdre et la volonté de ne pas répondre aux provocations grossières d’Erdoğan. Cruel dilemme.

Les femmes kurdes ne se laisseront pas terroriser

Cette campagne militaire, planifiée, avec son cortège de destructions systématiques, d’arrestations, d’exécutions sommaires, atteint l’horreur avec ce crime odieux commis à Varto par une horde soldatesque visant à terroriser les femmes : après avoir capturé une combattante, blessée, ses bourreaux l’ont mise à nue, torturée, achevée et exposée en plein centre ville :

le Mouvement des Femmes kurdes en Europe TJK-E, la Représentation internationale du Mouvement des Femmes kurdes, le Bureau des Femmes kurdes pour la Paix CENI, la Fondation internationale des Femmes libres, le Centre de Rencontre pour Femmes UTAMARA, la Fondation Roj Women, la Fondation Helin ainsi que toutes les Assemblées populaires des femmes kurdes en Europe condamnent fermement l’exécution de Kevser Elturk (Ekin Van), combattante kurde des YJA Star, torturée et tuée par les soldats turcs et exposée nue au public de façon inhumaine en plein centre de la ville de Varto au Kurdistan turc. La honte et le déshonneur de cet événement s’écriront dans l’histoire.

Le silence des médias et des politiques

Les chancelleries, les agences de presse, si promptes à dénoncer les crimes de l’Etat islamique ou les bombardements effectués par l’armée syrienne de Bachar al-Assad, sont soudainement muettes quand il s’agit de désapprouver des actes qui s’apparentent, pourtant, à des crimes de guerre. Il est vrai que le lobby turc est très actif et l’accueil dans les grands hôtels d’Istanbul particulièrement chaleureux. Renoncer à certains avantages est difficile, sauf bien sûr si le manque de retenue du président Erdogan devient trop criant. La raison d’Etat et la “lutte contre le terrorisme” (mais où sont donc les terroristes ?) sont des armes de défense imparables. Mais jusqu’à quand ? L’hypocrisie a aussi ses limites.

André Métayer

Appel à manifester du CDKF

Pour le Conseil démocratique kurde en France,

l’État turc a recommencé à brûler les villages kurdes, à exécuter des civils, à bombarder les bases des résistants kurdes. Depuis le 24 juillet, au moins 22 civils ont été tués par les forces de l’ordre du régime AKP. Des villes comme Varto et Silvan, Hani sont complètement coupées du monde extérieur, nous avons des craintes de massacres de masses. Les autorités turques commettent des crimes de guerre et actes de barbarie sur les civils et les résistants kurdes. Réagissons ! Nous avons besoin de votre solidarité.

Le Conseil démocratique kurde en France organise un meeting le :

samedi 22 août 2015 à 16 heures,
place des Invalides (devant le Ministères des affaires étrangères) à Paris