Je hais la guerre : un journaliste de Hakkari assassiné, un charnier découvert à Diyarbakir

Les dépêches se succèdent et se ressemblent : ici c’est l’AFP qui rapporte

cinq militants kurdes tués lors de combats dans le sud-est turc (à la frontière irakienne) et qu’un soldat turc a été tué à Bitlis, (20/9), que neuf combattants kurdes tués dans des combats en Turquie

(22/9) à la frontière irano-irakienne, dans les provinces de Hakkari et Sirnak. Là, c’est le Centre de presse des Forces kurdes (HPG) qui signale (21/9) que l’armée turque a lancé une opération, dans la province de Hakkari, qui a déjà coûté la vie à 5 soldats et qu’un hélicoptère a été contraint à un atterrissage forcé. Une autre opération, dans le secteur d’Hasankeyf, (province de Batman) aurait fait cinq morts dans les rangs de la guérilla.

L’Iran, de son côté, (AFP 23/9) après avoir nié les tirs d’artillerie contre les combattants kurdes en Irak, a justifié cette violation du territoire de la province autonome du Kurdistan irakien au nom de la nécessité de sécuriser son territoire au moment où des affrontements ont lieu dans la province iranienne peuplée à majorité de Kurdes. Elle a aussi fermé sa frontière, alors que 132 sociétés iraniennes sont déjà implantées au Kurdistan irakien, pour protester contre l’arrestation par les forces américaines, d’un “honorable” commerçant iranien à Souleimaniyeh, suspecté d’être un agent des forces spéciales chargées d’armer les milices chiites.

D’autre part les HPG revendiquent la responsabilité de “l’élimination” de trois “repentis” du PKK enrôlés dans les forces spéciales turques (JITEM) à Semdinli, Diyarbakir et au Dersim. Ces situations tragiques de militants “retournés” à la suite d’arrestation, de mauvais traitements et d’actions psychologiques, et que l’on retrouve aussi dans des conflits assez proches de notre histoire, nous renvoient à toute l’horreur de la guerre.

La bataille du rail nous renvoie aussi à notre histoire quand les combattants kurdes font dérailler les trains de marchandises (ou de munitions), comme le dernier en date, le 24/9, dans la région d’Elazig.

Et voici que le journal turc Sabah (“le Matin”, grand quotidien populaire progouvernemental tirant à 600 000 ex.), Kasim Ciftci, âgé de 46 ans et propriétaire du journal “Hakkari Province Voice” a été, le 22 septembre, assassiné près des ruines de la vieille ville de Van par deux hommes qui, après l’avoir frappé à la tête avec une grosse pierre, lui ont tiré plusieurs balles alors qu’il tentait de s’enfuir. confirme, s’il en était besoin, une dépêche de l’agence de presse indépendante BIA révélant qu’un journaliste kurde,

Il est bien sur trop tôt pour déclarer avec certitude que l’assassinat est lié aux activités professionnelles de ce journaliste mais son collègue, Necip Capraz, qui le connaît depuis 20 ans, ne laisse guère de place au doute quand il écrit dans “Yüksekova News” :

nous avons pu voir s’accumuler récemment de gros nuages noirs sur notre province de Hakkari.

Comble de l’horreur : un charnier contenant une quantité inconnue d’ossements humains aurait été découvert à Diyarbakir, ces jours derniers, d’après l’agence d’information kurde DIHA, dans la cour du Quartier général de la 7ème Armée turque appelée parfois “armée de Büyükanit”, du nom de son général devenu chef d’état-major des forces armées turques depuis le 28 août 2006. Ce site abritait aussi dans le passé la prison militaire de Diyarbakir tristement célèbre. Le pot aux roses aurait été découvert à la suite de travaux dans l’enceinte militaire nécessitant l’évacuation de terre de remblais et trouvant, dans le cadre de marchés publics, une réutilisation sur plusieurs chantiers de la ville.

La passivité des procureurs militaires turcs, qui tranche avec les investigations déclenchées par les organisations des droits de l’homme, les associations d’avocats et les agences d’information de la ville, renforce les soupçons,

souligne l’agence d’information kurde DIHA.

Hakkari, Diyarbakir, ce ne sont pas pour nous des points sur une carte de géographie. Ce sont des paysages concrets, des hommes et des femmes connus et estimés qui travaillent, étudient, rêvent d’une vie meilleure et défendent par dessus tout, leur langue, leur culture, leur identité. Ils aspirent à la paix et sont extrêmement déçus par l’attitude des européens qui préfèrent garder le silence, pour “ne pas mettre de l’huile sur le feu”.

Mais a-t-on mis de l’huile sur le feu en soutenant le tchèque Vaclav Havel et la charte 77, le sud africain Nelson Mandela ou les bonzes birmans pour ne citer que ceux là ? La Turquie a besoin de la communauté internationale pour trouver un Mendès France ou un De Gaulle (qui mirent fin, l’un à la guerre d’Indochine en 1954, l’autre à celle d’Algérie en 1962), et mettre un terme à un conflit complètement anachronique.

André Métayer