Kobanê : la coalition doit intervenir d’urgence

La situation devient intenable à Kobanê : beaucoup de civils ont été tués ou blessés. L’EI a encore gagné du terrain et se trouve aujourd’hui à 7 km de Kobané, avec des positions avancées à 2 km seulement de la ville, qui a été touchée par des obus pour la première fois samedi dernier, selon Reuters. Les gangs de l’EI déploient un matériel conséquent pour exterminer la population et la résistance kurde. Le rapport ci-joint de l’organisation Conflict Armament Research, basé sur les armes saisies par les YPG, est accablant et considère que la “vitesse de transfert vers Ayn Al-Arab démontre les capacités logistiques des forces de l’EI et l’importance stratégique d’Ayn Al-Arab pour le groupe”.

La photo ci-dessus, prise hier dans le village de Mardsymil à l’est de Kobané, nous a été adressée par notre contact au Rojava : il s’agirait d’après les Kurdes d’un char turc[[Il semble qu’il s’agisse d’un M48 – l’armée turque en possède plus de 2 500, en cours de “mise en réserve”]] qui appartiendrait à l’EI.

Dans le canton de Cezire la situation se dégrade aussi. Un bus a été mitraillé hier entre Qamishlo et Hassakeh et 6 civils ont été blessés. L’EI a lancé une nouvelle offensive sur Serekaniyé, à l’ouest. Notre contact au Rojava estime que le canton de Cezire est le prochain objectif de l’EI.

Pendant ce temps, la Turquie a décidé de “s’impliquer” dans le conflit, non pas en participant à la coalition, mais en utilisant toutes les opportunités offertes par les combats pour être complice de la volonté de l’EI d’éliminer les Kurdes : en empêchant les volontaires kurdes du Nord de rejoindre les YPG ; en attaquant violemment ses propres ressortissants qui montent la garde à la frontière ; en préparant le déploiement de troupes en Syrie et en Irak “non pas pour combattre les islamistes, mais pour établir et contrôler une zone tampon en Syrie, qui protègerait les frontières turques, à la fois de nouvelles vagues de réfugiés, à la fois contre d’éventuelles attaques et contre le passage de combattants kurdes” note RFI. Les 40 chars déployés le long de la frontière avec le canton de Kobanê n’ont toujours pas répliqué aux tirs de l’EI qui ont atteint le nord de la frontière. Au contraire, leurs canons sont tournés vers Kobanê.

Toujours pendant ce temps, les avions de la coalition bombardent divers objectifs industriels ou militaires à Deir ez-Zor, ar-Raqqah, près d’Alep… en tuant des civils – ce que confirme notre contact au Rojava – ce qui ne peut à terme que renforcer le soutien à l’EI.

Est-il tactiquement insurmontable d’attaquer le matériel lourd et les positions de l’EI qui se rapprochent de Kobanê ? Est-il tactiquement impossible de parachuter des munitions et des armes anti-char (notamment) aux YPG ?

Si la coalition ne cherche pas, cette nuit et dans les prochains jours, à neutraliser massivement l’EI, elle aura une lourde responsabilité si Kobanê tombe. Eviter d’intervenir dans le secteur pour complaire à la Turquie est un pari risqué : tout membre nominal de l’OTAN qu’elle soit encore, chaque jour qui passe donne des indices sur le camp qu’elle a en réalité choisi. Il est temps qu’elle en assume les conséquences.

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