La Coordination nationale Solidarité Kurdistan sur tous les fronts

 

Déclaration de la CNSK

Les associations réunies au sein de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK) ont témoigné de leur solidarité avec les combattantes, les combattants et la population du Kurdistan de Syrie (Rojava) et notamment celles et ceux du canton de Kobanê dont la résistance héroïque force l’admiration de tous. Elles ont dénoncé les préparatifs du gouvernement turc islamo-conservateur prêt à envahir le Rojava. Elles notent que les forces contestataires se mobilisent en Turquie et que l’union dans un nouveau parti – le HDP (Parti de la Démocratie des Peuples) – des forces kurdes et d’une gauche contestataire turque est de bon augure pour des avancées démocratiques futures dans ce pays. Elles remercient le Conseil de Paris pour l’intérêt qu’il porte à la mémoire des trois militantes kurdes assassinées en plein Paris le 9 janvier 2013 et réaffirme sa volonté d’exiger que toute la vérité soit faite et que justice soit rendue. Une journée mondiale “Urgence Kobanê” sera organisée le 1er novembre prochain. Une pétition circule à l’adresse du Président de la République en soutien à Kobanê. Une conférence sera organisée le 9 janvier 2015 à Paris, au Sénat, ainsi qu’une cérémonie commémorative à la mémoire de Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla devant le 147 rue Lafayette.

Mobilisation pour le Rojava

La CNSK demande à la France et à la communauté internationale d’envoyer de toute urgence à Kobanê l’aide militaire nécessaire pour résister et faire reculer les forces barbares du prétendu Etat islamique (Daesh). Les dernières frappes aériennes de l’US Air Force, guidées du sol par les résistants de Kobanê, ont été utiles mais pas suffisantes pour ceux qui luttent pied à pied, depuis plusieurs semaines, à armes inégales contre un ennemi puissamment armé : il est urgentissime de fournir armes anti chars et médicaments qui font cruellement défaut aux combattants kurdes. L’exemple de la Région autonome du Kurdistan irakien est à suivre : elle vient de reconnaître officiellement les trois cantons autonomes de Rojava et adopté un protocole de coopération bilatérale qui comprend l’envoi immédiat d’armes à la ville assiégée de Kobanê. La décision de la ville de Rennes d’envoyer une aide à la ville de Diyarbakir qui doit faire face à un afflux de réfugiés syriens est aussi significative : elle est assortie d’un appel à la communauté internationale pour qu’elle soutienne les Kurdes de Kobanê dans leur combat contre Daesh. La ville de Paris vient aussi de voter une aide humanitaire. Une journée mondiale “Urgence Kobanê” sera organisée le 1° novembre prochain. Toutes les organisations démocratiques sont invitées à participer à l’organisation et à la réussite de cette manifestation devant se dérouler dans chaque métropole, dans chaque région, dans chaque ville, partout où c’est possible.

Turquie : attention danger

La France a demandé à la Turquie de prendre toutes ses responsabilités et toutes les mesures qui s’imposent face à l’offensive de Daesh à Kobanê. Cette intervention est bienvenue s’il s’agit, comme l’a précisé le Président de la République, de l’ouverture de la frontière avec la Syrie pour permettre l’acheminement de renforts. Elle serait particulièrement inopportune s’il s’agissait d’encourager une intervention de l’armée turque. L’attitude de ce pays membre de l’OTAN a malheureusement montré que sa priorité n’était pas de combattre les djihadistes de Daesh, auxquels il continue d’apporter une aide militaire et logistique, mais d’occuper militairement cette région kurde et d’éradiquer un mode d’organisation social et politique adopté par l’Assemblée législative du Rojava, qui permet à chaque canton d’élire des assemblées citoyennes décentralisées et de se doter de structures de gouvernance incluant toutes les nationalités et toutes les religions.

Véritable casus belli, cette occupation serait vécue douloureusement non seulement par les Kurdes de Syrie, qui sous le joug du régime Baas de Hafez Al-Assad et de Bachar Al Assad d’une République arabe syrienne, n’avaient même pas droit, durant des décennies, à une identité. Mais aussi par les Kurdes de Turquie (soit 20 % de la population) qui ont déjà prévenu : le processus de paix entre le gouvernement turc et le leader emprisonné Abdullah Öcalan pour trouver une solution politique à la question kurde sera rompu. Et la guerre reprendra. Les manifestations nombreuses et réprimées violemment qui se sont déroulées en Turquie du Sud-est (Kurdistan nord), mais aussi dans les grandes villes de la Turquie occidentale, et notamment à Istanbul et Ankara, ont déjà fait en quelques jours 37 morts et de nombreux blessés. Ce ne sont que les prémices d’une guerre civile annoncée qui déstabilisera toute la région.
L’attitude toujours ambiguë de la Turquie suscite la méfiance quand sont annoncés des entretiens bilatéraux avec la France pouvant aborder les accords de coopération policière dont la ratification avait été stoppée in extremis. Plus que jamais il est nécessaire d’obtenir l’abandon définitif de ces accords sécuritaires “Guéant – Fabius”.

Le poids politique des Kurdes de Turquie

Il est à noter également que le poids politique des Kurdes de Turquie croît autour du BDP, (Parti pour la Paix et la Démocratie qui s’appelle aujourd’hui DBP : Parti démocratique des régions), du HDP (Parti démocratique des peuples) et du K.C.K (Union des communautés du Kurdistan – (coma Civakên Kurdistan) qui ne proposent rien moins qu’une alternative à l’Etat-nation : “une organisation de la société puisée aux sources d’une lutte quotidienne pour la défense des libertés”. Le DBP, malgré la pression de l’Etat sournois qui retient toujours dans ses geôles des milliers de détenus politiques, développe une stratégie de renforcement des structures politiques associatives et culturelles, dans les provinces kurdes : les résultats des élections municipales et régionales de mars 2014 le montrent avec des gains importants (Agri, Bitlis, Mardin) qui auraient pu être plus importants sans les fraudes (Urfa par exemple). Les Kurdes ont aussi affiché leurs ambitions nationales avec le nouveau parti, le HDP, créé par un BDP nouant des alliances nouvelles avec des forces de gauche qui se sont réunies dans un vaste mouvement de contestation gouvernementale dont l’épicentre fut les manifestations du parc Gezi d’Istanbul. Transformer le parti essentiellement pro-kurde BDP en HDP n’était pas gagné d’avance : Selahattin Demirtaş, candidat HDP à l’élection présidentielle d’août 2014, a su convaincre les populations kurdes, dont la revendication première est identitaire, de faire cause commune avec tous ceux qui, Kurdes, Turcs, Arméniens et autres minorités, contestent la politique autoritaire du gouvernement AKP et aspirent à une autre gouvernance, qu’ils soient sunnites, alévis, chrétiens, yezidis ou athées, syndicalistes, écologistes ou militants associatifs. Les principaux thèmes du programme HDP, qui se confondent avec ceux du BDP, témoignent de cette volonté : gouvernance territoriale, autonomie démocratique, éducation dans la langue maternelle, liberté de croyance, droits pour les alévis, liberté pour les prisonniers politiques, non à l’exploitation capitaliste, oui à l’écologie, non aux mesures discriminatoires contre les homosexuels, non aux interventions impérialistes en Syrie, encouragement aux Kurdes de Syrie. On peut estimer que Selahattin Demirtaş a, en frôlant les 10%, réussi ce pari. Il a su conserver – et même accroître – l’électorat traditionnel du BDP et séduire de nouveaux électeurs en prenant pied dans d’autres régions de la Turquie. Son score ouvre de véritables perspectives pour les élections législatives de 2015. En passant le seuil fatidique des 10%, Le HDP pourrait tripler, voire plus, le nombre actuel de ses députés.

Le PKK est présent dans la vie politique et sociale en Turquie

Le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê), joue un rôle dans les quatre parties du Kurdistan et son influence va même bien au de-là, dans toute la région moyen orientale. Le PKK est très présent dans la vie politique et sociale en Turquie et le gouvernement AKP ne s’y trompe pas quand il accuse le KCK d’être la branche urbaine de “l’organisation” et quand il ouvre des négociations avec le leader incontesté et charismatique du PKK, Abdullah Öcalan, pour trouver une solution politique à la question kurde. Faire croire au monde entier que le PKK est une organisation terroriste relève d’une escroquerie intellectuelle qui ne peut que se retourner, in fine, contre ses auteurs. Ceux qui reprochent au PKK sa branche armée, les HPG – Forces de Défense du Peuple (Hêzên Parastina Gel), oublient de préciser que sans elle le peuple kurde, en tant que peuple, aurait été, dans le contexte de terreur imposé par les forces militaires, paramilitaires et “l’Etat profond”, rayé de la carte. Les dernières interventions des HPG pour venir en aide aux peshmergas du Kurdistan irakien ou pour sauver les Yezidis du piège de Sinjâr ou pour épauler les YPG à Kobanê ont montré que le PKK n’était pas une organisation terroriste mais qu’il possédait des combattants aguerris dont la coalition avait besoin pour faire reculer le Front islamique. Il est donc urgent de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes.

Vérité et Justice pour Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla

Le Conseil de Paris a émis le vœu que soit apposée une plaque au 147 rue La Fayette, dans le 10e arrondissement, pour rendre hommage à Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, rappelant que ces trois jeunes femmes kurdes, qui militaient pacifiquement pour la reconnaissance du peuple kurde, ont été lâchement assassinées le 9 janvier 2013. Il n’y a pas de mots pour exprimer le chagrin et la colère qu’éprouvent tout le peuple kurde et les amis et proches des victimes. La volonté de la CNSK est intacte pour exiger que justice soit rendue. La vérité doit éclater et un appel est lancé au gouvernement français pour qu’aucun obstacle ne vienne entraver l’action de la justice dans son travail d’identification des commanditaires. Tous les regards sont tournés vers la Turquie dont la responsabilité est manifestement engagée. C’est pourquoi la CNSK reste mobilisée pour que l’affaire ne soit enterrée au nom de la raison d’Etat. Un courrier sera officiellement envoyé à M. le Président de la République française pour lui demander de bien vouloir recevoir les familles des victimes assassinées sur le sol français. Ce geste de compassion que les familles attendent serait aussi un signal fort envoyé aux assassins et à leurs commanditaires : cet assassinat politique ne restera pas impuni. En 2015, du 14 février au 2 mars, seront rappelés, lors d’un “colonial tour” initié par le réseau “sortir du colonialisme”, tous les crimes politiques commis sur le sol français depuis cinquante ans et restés impunis. Ceux de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez ne seront pas oubliés.

Paris le 18 octobre 2014

Signataires : Amis du Peuple Kurde en Alsace, – Amitiés Kurdes de Bretagne (AKB), – Amitiés Kurdes de Lyon Rhône-Alpes, -Association Iséroise des Amis des Kurdes (AIAK), – Association de Solidarité France-Kurdistan (FK), – Centre d’Information du Kurdistan (CIK), – Conseil Démocratique Kurde de France (CDKF), – Mouvement de la Jeunesse Communiste de France, -Mouvement de la Paix, – MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), – Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), – Parti Communiste Français (PCF), – Réseau « Sortir du Colonialisme », – Solidarité et Liberté (Marseille), – Union Démocratique Bretonne (UDB).
Soutien : Union Syndicale Solidaires.

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