La dérive du premier ministre turc, d’après Bernard Guetta

Cela s’appelle un délit d’opinion. Pour avoir dénoncé les conditions d’incarcération de militaires et de civils accusés de complot contre l’autorité de l’Etat et la manipulation des tribunaux spéciaux devant lesquels ils comparaissent, le chef de l’opposition turque, Kemal Kilicdaroglu, est aujourd’hui menacé de poursuites judiciaires

dénonce Bernard Guetta, chroniqueur de France inter en géopolitique, le 10 janvier 2012, en pointant du doigt “la dérive autoritaire du Premier ministre Recep Erdogan”.

Bernard Guetta, après avoir dressé des couronnes de lauriers à cet artisan “de la transformation de l’islamisme turc en un parti islamo-conservateur” et salué “la formidable montée en puissance économique” de la Turquie devenue “le” modèle pour tous les pays arabes, et avoir affirmé que “la stabilité internationale lui est aussi redevable que son pays”, trouve que cet homme est inquiétant : il y aurait “un Poutine en lui “.

Bernard Guetta, qui, toujours à propos RT Erdogan, parle de ses opposants de gauche, du centre droit, des intellectuels, de sa lutte à mort avec les militaires, de l’incarcération de “plusieurs centaines d’officiers, d’universitaires et de journalistes” dans des complots qui “paraissent plus rocambolesques que crédibles” , note que le dossier est complexe mais bien utile au renforcement des pouvoirs du premier ministre islamo-conservateur.

Bernard Guetta dit tout cela en 32 lignes, 497 mots et 2 704 signes, mais pas une ligne, pas un mot, pas un signe, pour parler de la question kurde, pour évoquer les milliers de Kurdes qui forment la grande majorité des détenus politiques, des procès intentés contre les responsables du parti pro kurde BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie). Kemal Kilicdaroglu est peut-être menacé de perdre son immunité parlementaire, mais Bernard Guetta semble ignorer que six députés BDP sont incarcérés dont Hadip Dicle, qui a déjà purgé plus de 10 années de prison en compagnie de Leyla Zana, ainsi que 18 maires kurdes (sur 99).

Bernard Guetta ne sait pas non plus que 4 500 membres et cadres du BDP, parti d’opposition représenté légalement au parlement de Turquie avec 35 députés, ont été arrêtés au cours de six derniers mois, par lesquels plusieurs centaines d’étudiants et des enfants dont certains sont condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir lancé des pierres contre les forces de l’ordre lors de manifestations.

Bernard Guetta ignore qu’on peut croupir des années en prison pour avoir été simple technicien à ROJ-TV, télévision kurde en exil bête noire de la Turquie.

Bernard Guetta ne peut ignorer tout ça mais n’en dit mot dans sa chronique quasi quotidienne sur les ondes de France inter.

André Métayer