La direction centrale de la police judiciaire s’intéresse aux activités de la Maison du peuple kurde de Rennes, une coopérative à l’ancienne

André Métayer – C’était la foule des grands jours, ce samedi 4 avril 2009, dans Z.I Sud-est de Rennes, 11, rue du Pré Du Bois, C’est ce jour là que vous avez été élu président

Kerim Isiklar – oui c’était l’inauguration des nouveaux locaux pour les Kurdes, en présence de Nizamettin Toguç, Président de la Confédération des Associations Kurdes en Europe (Kon Kurd), et membre du conseil exécutif du Congrès National du Kurdistan (KNK), et de Frédéric Bourcier, adjoint au maire de Rennes ; il y avait aussi beaucoup d’amis rennais. On fêtait aussi le 60° anniversaire de celui que nous considérons comme notre Président, Abdullah Öcalan. Mais officiellement, je n’ai été élu que le 18 avril, à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire modifiant les statuts de l’association “Veysel Karani.” qui, avec l’achat de ces nouveaux locaux, pouvait élargir le champ de ses activités

A.M. – il y avait aussi le Centre Culturel de Mésopotamie

Kerim Isiklar – lui aussi avait besoin et locaux et c’est en réunissant toutes ces forces qu’on peut faire vivre cette nouvelle association “AMARA, MAISON DU PEUPLE KURDE”.

A.M. – dont l’objectif est ambitieux

Kerim Isiklar – nous voulons, comme le disent les statuts, organiser des activités au profit des populations kurdes résidant en Bretagne, faire revivre la langue, la culture et l’histoire de la Mésopotamie, favoriser l’intégration au pays d’accueil, faire connaître l’identité kurde aux populations de Bretagne…..

A.M. – et un an plus tard, que peut-on tirer comme premier bilan ?
Kerim Isiklar – l’association se développe et compte 284 familles adhérentes et cotisantes, ce qui veut dire que nous touchons aux environs de mille cinq cents personnes

A.M. – vous le vouliez vraiment le local, mais pour faire quoi ?

Kerim Isiklar – nous sommes des gens à revenus modestes qui avons l’ambition de réunir toutes les aspirations du peuple kurde ; à côté de nos activités sociales, récréatives, culturelles et politiques, nous avons voulu un espace pour la prière car il y a dans la communauté kurde des personnes croyantes

A.M. – concrètement ?

Amara_2_-2.jpgKerim Isiklar – Amara, c’est d’abord un foyer où nous aimons nous retrouver autour d’un thé, pour faire une partie de billard, jouer aux cartes ou regarder la télévision, ROJ TV, “notre télé” dont les studios sont à Bruxelles ; il y a aussi des réunions de famille (et chez nous c’est toujours beaucoup de monde !) pour des évènements heureux, à l’occasion d’un mariage ou d’une circoncision par exemple, mais aussi pour organiser des cérémonies de deuils et de condoléances

A.M. – pour des parents décédés?

Kerim Isiklar – oui, pour des deuils familiaux dont certains sont en rapport avec la guerre. C’est très important dans notre culture de témoigner de la compassion et de la solidarité

A.M. – vous parlez aussi d’activités sociales, récréatives, culturelles et politiques

Kerim Isiklar – oui, nous avons des jeunes qui se réunissent pour apprendre les danses et les chants du pays ; les équipes de foot tiennent aussi leurs réunions et nous tentons de lancer des cours de langues.

A.M. – et politiques ?

Kerim Isiklar – vous savez, chez nous, le politique et le culturel sont intimement mêlés : quand nous organisons les fêtes du Newroz, c’est à la fois festif, culturel et politique, c’est la fête du nouvel an kurde, mais c’est aussi la fête de la résistance et de la liberté. Nous organisons des conférences avec des personnalités kurdes ; nous avons reçu, par exemple, Sebahat Tuncel, députée d’Istanbul, benjamine du Parlement turc, qui a été élue alors qu’elle était en prison ; et puis c’est dans nos locaux que nous préparons toutes les manifestations pour la cause kurde : nous avons organisé une grève de la faim, place de la mairie à Rennes pour protester contre les arrestations de Kurdes en Turquie, mais aussi en Espagne, en Belgique et même en France ! Nous sommes organisateurs à Rennes mais aussi à Nantes ou à Lorient et nous allons aussi à Paris, à Strasbourg, à Bruxelles et même en Allemagne ; nous discutons entre nous des parcours, des locations de cars, du service d’ordre, des contacts avec la presse ; nous préparons les pancartes, les slogans, etc…

A.M. – “Libérez Öcalan”, par exemple?

Amara_4_.jpgKerim Isiklar – Abdullah Öcalan, c’est notre Mandela ; il est détenu, comme le fut Mandela, dans une prison de haute sécurité depuis onze ans mais son aura est intacte ; chaque manifestation avec “Libérez Öcalan ” rassemble des dizaines de milliers de personnes, même au Kurdistan, malgré la répression turque. D’ailleurs AMARA c’est le nom de son village natal et de notre maison.

A.M. – Amara, c’est vraiment la maison du peuple kurde de Rennes

Kerim Isiklar – oui, parce que cette association s’est vraiment construite autour de l’achat de ce local. Les familles kurdes de Rennes se sont cotisées pour trouver les 280.000 euros avec les frais de notaire! Des familles de Nantes, de Lorient, de Bretagne, nous ont aidés ; de Paris aussi et même de Marseille!

A.M. – c’est une belle somme!

Kerim Isiklar – c’est relativement modeste par rapport à la construction d’une mosquée comme celle que les turcs ont édifiée aux portes de Rennes; mais eux ils ne sont pas inquiétés alors que cinquante d’entre nous sommes convoqués par la direction centrale de la police judiciaire, -sous direction de la lutte contre la criminalité organisée et de la délinquance financière- avec, c’est précisé dans la convocation, obligation d’apporter les talons des chéquiers des années 2008 et 2009. Je le répète ici, nous n’avons rien à cacher, ce local a été acheté avec notre argent gagné honnêtement ; il n’y a ni blanchiment d’argent sale, ni extorsion de fonds au profit d’organisation illégale. Cette pression psychologique sur nos adhérents est intolérable. Nous les Kurdes, nous faisons les frais de la politique internationale : on arrête des Kurdes à chaque fois que des contrats commerciaux sont signés avec la Turquie.