L’APCE appelle la Turquie à libérer les élus kurdes emprisonnés et à appliquer les recommandations du CPT concernant Abdullah Öcalan

Suite à la mobilisation internationale autour de Leyla Güven et des autres grévistes de la faim qui demandent la levée du régime d’isolement imposé à Öcalan, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), réunie en session plénière à Strasbourg, a tenu jeudi 24 janvier un débat d’urgence sur la Turquie. A l’issue de ce débat, a été adoptée une résolution appelant la Turquie à libérer les élus kurdes emprisonnés et à appliquer les recommandations du CPT concernant Abdullah Öcalan.

L’Assemblée, considérée comme la plus ancienne assemblée parlementaire pluraliste internationale, a notamment exprimé ses préoccupations concernant :

  • la levée de l’immunité de 154 parlementaires en mai 2016, qui a affecté de manière disproportionnée le Parti Démocratique des Peuples (HDP),
  • l’impact qu’ont eu sur les libertés d’expression, de réunion et d’association, sur les médias et sur la démocratie locale les décrets-lois votés dans le cadre de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018,
  • les réformes constitutionnelles de 2017,
  • l’organisation hâtive d’élections présidentielle et législatives anticipées en juin 2018 et la réforme de la loi électorale qui les a immédiatement précédées,
  • les préoccupations que soulèvent de longue date les obstacles à la liberté d’expression, au rang desquels figurent la loi antiterroriste et son interprétation large, et les articles 299 et 301 du Code pénal.

L’APCE évoque également la destitution de plus de 90 maires du HDP ou de son parti affilié, le BDP (Parti démocratique des Régions) et leur remplacement par des administrateurs désignés par le gouvernement, et les mesures restrictives continues introduites par les autorités en vue de réduire au silence les journalistes, les juges, les procureurs, les avocats, les professeurs et d’autres voix dissidentes.

En conséquence, l’Assemblée appelle les autorités turques : 11.1. à respecter pleinement les droits des membres des partis d’opposition dans une démocratie, au nombre desquels figurent les libertés d’expression, d’association et de réunion, et en particulier:

11.1.1. À protéger et respecter l’immunité parlementaire, conformément à la Résolution 1601 (2008) de l’Assemblée relative aux lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l’opposition dans un parlement démocratique, et dans le respect des normes de la Commission de Venise;

11.1.2. À libérer Leyla Güven en raison de son immunité parlementaire jusqu’à la fin de son mandat, à la lumière de la récente décision rendue par la Cour suprême de cassation en ce qui concerne la détention du député Enis Berberoǧlu;

11.1.3. À libérer les députés et anciens députés dont l’immunité a été supprimée en 2016 en violation des normes du Conseil de l’Europe jusqu’à l’achèvement de l’examen de leur cas juridique;

11.1.4. À modifier la loi sur la lutte contre le terrorisme de manière à garantir une mise en œuvre et une interprétation de ses dispositions qui soient conformes à la Convention, au sens que leur donne la Cour européenne des droits de l’homme;

11.1.5. À abroger l’article 299 et à apporter de nouvelles modifications à l’article 301 du Code pénal, conformément aux recommandations de la Commission de Venise;

11.1.6. À mettre pleinement en œuvre l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire DEMIRTAS C. TURQUIE (no 2);

11.1.7. À assurer le suivi des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT/Inf(2018)11) pour ce qui est de M. Abdullah Öcalan et d’autres détenus actuellement incarcérés dans la prison de haute sécurité de type F d’Imralı.

Le CPT, dans son rapport de 2016, appelait déjà les autorités turques à prendre les mesures permettant à tous les détenus de la prison d’Imralı de recevoir des visites de leurs proches et de leurs avocats et exprimait sa vive inquiétude sur la situation Abdullah Öcalan et tous les détenus empêchés de recevoir la visite de leurs avocats depuis presque cinq ans, et de leurs proches depuis plus de dix-huit mois, avec, de plus, une interdiction totale des appels téléphoniques.

En cas de non-respect par les autorités turques des conditions pertinentes fixées dans la présente résolution, l’Assemblée s’engage à adresser une recommandation au Comité des Ministres pour l’inviter à appliquer la procédure prévue à l’article 46.4 de la Convention européenne des droits de l’homme, à l’égard de la Turquie.

Cette résolution a été adoptée par 72 voix pour (dont celle de Feleknas UCA – en photo – HDP, Turquie), 20 contre (parlementaires turcs et azerbaïdjanais) et 8 abstentions (dont celle d’Olivier Becht, député UDI du Haut-Rhin).

André Métayer