L’art-thérapie, une ouverture sur le monde, avec Amparo Bereau

Avec Dilshad Questani, peintre franco-kurde venu exposer ses œuvres à la Maison internationale de Rennes à l’invitation des Amitiés kurdes de Bretagne, l’Atelier “Art-thérapie” du Centre hospitalier Guillaume Régnier a, sous l’impulsion d’Amparo Bereau, tissé un lien particulier. Cette jeune femme dynamique qui force la sympathie est art-thérapeute. Comme pour la plupart des art-thérapeutes, son parcours est jalonné des formations, doublées d’expériences nécessaires pour exercer cette profession. Des cours aux Beaux-Arts à Paris, un diplôme paramédical en radiologie, un DU d’art-thérapie en 1995 à la faculté de Médecine de Tours et un DESU de psychologie – excusez du peu ! – auxquels il faut ajouter plusieurs années de vacations avant d’obtenir en 2008 un poste en art-thérapie au Centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes :

ma pratique est avant tout basée sur les art-plastiques. J’accueille des groupes de personnes atteintes de troubles mentaux divers, hospitalisées ou venant en ambulatoire, c’est-à-dire des personnes qui vivent chez-eux mais qui sont suivies en hôpital de jour. L’art-thérapie dans son principe est de mettre les ressources de la pratique artistique (picturale, photographie, musicale, théâtrale…) au service de l’être en état de souffrance psychique. Il s’agit plus précisément d’une rencontre, l’œuvre, ou l’acte artistique permettant de médiatiser la relation entre le patient et le thérapeute dans une visée thérapeutique.

L’art-thérapeute doit donc avoir une double formation, celle d’artiste et celle de thérapeute ?

Exactement, comme le nom l’indique être artiste ne suffit pas, il faut savoir mettre son art et son savoir au service de l’autre pour l’accompagner dans un processus thérapeutique. L’art-thérapie est un acte thérapeutique qui s’exerce dans un cadre et dans une relation thérapeutique bien définis et spécifiques. Cette formation de thérapeute est indispensable pour acquérir les connaissances mais aussi les techniques et les outils nécessaires. Il faut aussi – il faut bien le dire – que l’art thérapeute fasse preuve d’une bonne stabilité mentale, d’une grande disponibilité d’écoute, de la patience, de l’humilité et de l’altruisme.

L’art-thérapie est-elle très développée en France ?

La France est en retard par rapport aux pays anglo-saxons, ce n’est qu’en 1986 que la France a démarré la formation d’art-thérapie à la faculté de Médecine de Tours, suivie par celle de l’Université Paris Descartes à Paris V. Depuis, il suffit d’aller sur internet pour voir une multitude de formations, mais elles ne sont pas toutes reconnues par le corps médical. Pour cela, il faut de préférence suivre une formation universitaire. Il est important de souligner que l’art-thérapie, seule, ne guérit pas. Son action s’inscrit dans celle d’une équipe pluridisciplinaire. L’art-thérapie peut s’exercer dans les hôpitaux et structures psychiatriques, les hôpitaux généraux, les centres de rééducation, les maisons de retraite, des associations médico-sociales, mais également en libéral.

Quel bilan peut-on tirer de la rencontre entre l’atelier et Dilshad Questani ?

Outre les prises en charges individuelles dans l’atelier, je propose régulièrement un travail et des projets collectifs non seulement dans l’atelier et au sein de l’hôpital mais aussi à l’extérieur, dans la cité en partenariat avec des artistes et des centres artistiques et culturels. Car parmi les objectifs de soin, nous avons bien sûr la diminution des symptômes, l’estime de soi mais également la lutte contre l’isolement, la dé-stigmatisation de la maladie mentale, la réinsertion et réhabilitation sociale. C’est dans ce cadre, d’ouverture à l’extérieur, aux autres et au monde, que j’ai accepté la proposition des Amitiés kurdes de Bretagne d’accueillir pour la première fois un artiste peintre franco-kurde et de collaborer avec lui.

La rencontre, l’échange avec Dilshad Questani ont été très riches, à fois sur le plan personnel, culturel et artistique. Aussi, pour préparer en amont sa venue nous avions commencé à nous renseigner sur le Kurdistan, sur le plan géographique, culturel et géopolitique, peu ou mal connu par les personnes de l’atelier. Mais c’est à travers nos échanges dans l’atelier et durant l’exposition que nous avons appris, à travers son vécu, son histoire et son art, à mieux connaître et à mieux comprendre le peuple kurde, sa culture et ses problèmes. Cela leur a permis de prendre un peu de recul par apport à leurs propres problèmes. Ils étaient impressionnés mais contents de travailler avec un artiste reconnu. Et pour l’artiste Dilshad, cette rencontre a été, m’a-t-il dit, très importante aussi.

Oui, c’était nouveau pour lui. Cette rencontre a été pour lui très émouvante et l’œuvre collective réalisée en collaboration avec Dilshad montre combien l’artiste a été proche de ses amis/es de l’Atelier.

Je rappellerai en terminant que le rôle de l’art-thérapie, même si elle permet parfois la révélation de véritables artistes, consiste principalement à permettre aux personnes de retrouver le plaisir de faire, de créer dans la rencontre et l’échange, de faire comprendre que, pour reprendre les mots du Pr Thouvenot «le sujet a des possibilités toujours créatives et singulières car la personnalité est toujours une œuvre singulière et c’est là le vrai chef- d’œuvre qui habite tout homme».

Interview recueillie par André Métayer

Témoignage d’une patiente du CHGR

Cette rencontre à trois, Dilshad Questani, les Amitiés kurdes de Bretagne et les patients de l’atelier d’art thérapie d’Amparo Béreau, a quelque chose de naturel. Les échanges avec les membres de l’association me rappellent qu’à l’origine l’hôpital psychiatrique se nommait asile au sens propre du terme, tout comme les réfugiés sont à la recherche d’une terre d’accueil.

Nous nous sommes réunis à partir d’un livre de témoignages [ndlr “Ben U Sen”, l’âme kurde”] autour d’une première création. La rencontre avec Dilshad Questani se fera lors d’une visite de l’exposition et de trois matinées d’échanges avec comme aboutissement une seconde création collective. C’est un travail d’ouverture animé d’une même passion pour la peinture. Je suis sorti un temps de mon propre enfermement mental.

Merci

Isabelle