Lavrio, le refuge de l’espoir

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Un convoi solidaire – chargé de médicaments et du matériel médical – organisé par les syndicats Sud-Education, Solidaires et CGT, auquel s’était joint Tony Rublon, président des Amitiés kurdes de Bretagne, s’est rendu récemment à Lavrio, situé à une soixantaine de kilomètres au sud d’Athènes, au camp de réfugiés migrants venant pour la plupart de la région d’Afrin. Il s’agissait d’une mission exploratoire, mise sur pied à la demande des responsables du camp, pour examiner les réponses possibles, d’une façon pérenne, aux nécessités les plus urgentes. Après de nombreux échanges avec les habitants du camp, avec les représentants de l’assemblée et les coordinateurs, il a été convenu que les Amitiés kurdes de Bretagne organiseront au courant de l’année 2019 des activités culturelles sous la forme d’ateliers pour les enfants et pour les adultes du camp. Les besoins matériels et sanitaires sont énormes dans ces camps : “l’aide économique que la Turquie reçoit de l’Union européenne pour retenir les migrants ne trouve pas d’équivalent en Grèce, qui héberge sur son sol plusieurs milliers de familles rentrées clandestinement. Depuis le début de l’année 2018, c’est près de 20 000 personnes qui se sont échouées sur les îles grecques, où les radeaux en provenance de Turquie ne cessent d’accoster” écrit Tony Rublon. Mais il est aussi nécessaire de rendre espoir à ces populations en les aidant à organiser une vie sociale, récréative et culturelle. Le rapport illustré de Tony Rublon témoigne de ces deux exigences.

André Métayer

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Si le pacte migratoire signé entre la Turquie et l’Union européenne le 18 mars 2016 avait pour principal but de limiter l’arrivée des migrants sur le territoire européen, l’invasion d’Afrin en janvier 2018 aura eu pour conséquence immédiate de pousser à l’exil des milliers de familles, fuyant la Syrie vers l’Irak et la Turquie, afin de rejoindre les routes migratoires européennes. Le flux migratoire entre la Turquie et la Grèce augmente de manière sensible dès mars 2018. Le gouvernement turc laisse alors les exilés d’Afrin rejoindre la Grèce, se servant allégrement du drame migratoire pour faire pression sur l’Union européenne en refusant de jouer son rôle de rétention. L’aide économique que la Turquie reçoit de l’Union pour retenir les migrants ne trouve pas d’équivalent en Grèce, qui subit toujours de plein fouet les conséquences de la crise économique de 2011 mais qui héberge sur son sol plusieurs milliers de familles rentrées clandestinement ou non aux « portes » de l’Europe. Des milliers de migrants se retrouvent donc détenus dans des camps comme celui sur l’île de Lesbos, au large de la Turquie, où près de 9 000 personnes vivent dans un camp prévu pour 3 000, dans des conditions abjectes et dans le silence assourdissant de la communauté internationale. Depuis le début de l’année 2018, c’est près de 20 000 personnes qui se sont échouées sur les îles grecques, où les radeaux en provenance de Turquie ne cessent d’accoster.

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Le camp de Lavrio, situé à 60 km au sud d’Athènes, fait figure d’exception au milieu de cette crise migratoire et humanitaire sans précédent en Grèce. Construit en 1947 pour héberger les mineurs qui travaillaient dans les mines de Laurion, les bâtiments sont réinvestis dès le début des années 50 et servent alors de foyer pour les réfugié·e·s qui fuient l’Union soviétique. Dans les années 70, la gauche turque récupère les lieux avant que le PKK ne s’y impose au début des années 1980. Dès lors, le camp devient un lieu d’accueil pour les sympathisants, qu’ils soient kurdes ou turcs, du PKK, du MLKP (Parti marxiste-léniniste) du MKP (Parti maoïste) ou du HDP. Le conflit en Syrie et les purges en Turquie vont voir le nombre d’habitants du camp augmenter de manière considérable à partir du début des années 2010. En 2015, un nouveau camp est ouvert à quelques kilomètres du centre-ville. Les habitants du camp investissent alors des containers installés par l’Etat grec pour recueillir des réfugiés, mais qui n’ont alors jamais été utilisés à ces fins.

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Jusqu’au 31 juillet 2017, le gouvernement grec apportait une aide aux réfugiés du camp : la Croix-Rouge y tenait alors des locaux et l’UNHCR (Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés) y avait une représentation officielle. Mais sous la pression de l’Etat turc, qui qualifie le camp de lieu de formation militaire du PKK, l’Etat grec s’est totalement désengagé du camp, abandonnant les locaux et demandant même sa fermeture pour des raisons troubles. Depuis, le bon fonctionnement du camp ne tient plus qu’à la solidarité locale et internationale permettant de pallier les besoins matériels et alimentaires. Lors de l’afflux d’immigrés en avril 2018, afin de pouvoir accueillir les centaines de familles ayant fui Afrin, des tentes sont dressées aux abords du camp de conteneurs. C’est ce même espace que la municipalité transforme aujourd’hui en décharge publique avec pour objectif clair : empêcher l’installation de nouveaux réfugiés.

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L’organisation interne du camp, l’auto-administration sur le principe du confédéralisme démocratique, n’est pas étrangère aux pressions qui ont mené au désengagement de l’Etat grec, les pressions de l’Etat turc se basant sur la présence du PKK et son contrôle idéologique sur le camp pour demander sa fermeture. Organisé en comité et en assemblée populaire, le camp est autogéré par ses habitants qui assurent la sécurité, l’éducation et la répartition de denrées alimentaires. Le principe des communes permet aux habitants du camp – et de ses différents lieux de vie – de veiller à son bon fonctionnement, en participant concrètement à son organisation et à la répartition des tâches. Expérimenté également au Rojava – Fédération du Nord-Syrie – le projet politique prend dans le cadre spécifique du camp une forme particulière, puisque s’y mêlent les problématiques migratoires, c’est-à-dire le mouvement, l’attente et le renouvellement permanent des occupants du camp. Il est cependant évident que les conditions de vie y sont nettement meilleures que dans la majorité des autres camps de réfugiés, même ceux soutenus par l’Etat grec. Les liens avec la société civile grecque étant très forts, construits sur une longue amitié entre les Kurdes et les Grecs, le camp n’est pas isolé du reste de la société grecque et est même au contraire pleinement intégré à la vie économique et sociale du quartier et de la ville.

Un convoi solidaire s’est donc rendu à Lavrio entre le 21 et le 30 octobre afin d’y apporter des médicaments et du matériel médical, et répondre aux besoins et demandes émises directement par le camp. Les syndicats Sud-Education, Solidaires et CGT ont donc organisé une délégation politique qui s’est rendue à Lavrio, délégation à laquelle les Amitiés kurdes de Bretagne se sont jointes pour étudier les possibilités d’une éventuelle collaboration avec le camp de Lavrio. Après de nombreux échanges avec les habitants du camp, avec les représentants de l’assemblée et les coordinateurs, il a été convenu que les Amitiés kurdes de Bretagne organiseront au cours de l’année 2019 deux semaines d’atelier pour les enfants et pour les adultes du camp.

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Tony Rublon

Un collectif de “militant·e·s solidaires avec les réfugié·e·s de Lavrio” a lancé une pétition adressée au Maire de la ville de Lavrio, en Grèce, pour protester contre les tentatives de fermeture des camps de réfugié·e·s de cette commune, qui accueillent en grande majorité des exilé·e·s kurdes de Turquie, Syrie, Irak et Iran, et notamment des personnes ayant fui l’invasion d’Afrin par l’armée turque.