Le Kurde, monnaie d’échange franco-turque pour faciliter les transactions commerciales

La direction centrale de la police judiciaire – et plus précisément la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et de la délinquance financière (SDLCODF) s’intéresse aux activités de l’association « AMARA, la Maison du peuple kurde » de Rennes ; une convocation judiciaire a été envoyée à une cinquantaine de Kurdes rennais pour une « audition simple » relative à une enquête préliminaire diligentée par le parquet du Tribunal de grande instance de Paris.

Il est précisé que chacun doit se munir d’une pièce d’identité, des avis d’imposition de 2009 sur les revenus 2008 et des talons de chéquiers pour les années 2008 et 2009 de leurs comptes (les références précises sont données, ce qui tend à prouver que la SDLCODF a déjà fait des investigations auprès des banques).

Les convoqués font partie des 280 Kurdes qui se sont cotisés pour acheter le local qui abrite, dans la ZI Sud–est de Rennes, les activités de « AMARA, la Maison du peuple kurde ».

Il ressort des premières auditions que l’enquête est plus politique que financière ; faut-il voir là une volonté de déstabiliser une association « coupable » d’organiser des manifestations, des grèves de la faim, des marches, des sit-in, mais aussi des concerts et des rassemblements pour dénoncer la politique turque à l’encontre du peuple kurde, pour réclamer la libération d’Abdullah Öcalan et défendre ROJ-TV, la télévision kurde en exil qui énerve tant le gouvernement turc ?

La procédure employée est d’ailleurs à rapprocher des opérations menée à Paris, Marseille ou Montpellier à l’encontre de « citoyens turcs » d’origine kurde, nationalisés français pour certains, par la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) de cette même direction centrale de la police judiciaire qui se sont traduites par des perquisitions musclées, des interpellations et des mises en détention provisoire ; ces opérations se sont soldées pour la plupart par des remises en liberté tant les accusations de terrorisme, d’extorsion de fonds et de blanchiment d’argent sont dénuées de tout fondement.

Elle est à rapprocher également de la déclaration du Ministère des Affaires étrangères, à propos du programme de la visite officielle du Premier ministre de Turquie, Recep Tayyip Erdogan des 6-7 avril 2010 :

…dans le domaine de la sécurité enfin. Nous évoquerons notre travail en commun pour la lutte contre le terrorisme et, en particulier, notre coopération avec la Turquie dans son combat contre le PKK qui figure sur les listes des organisations terroristes de l’Union européenne. Nous rappellerons les décisions prises par notre pays pour démanteler les ramifications de cette organisation sur notre territoire…

Faut-il y voir un rapport avec l’ambition affichée par RT Erdogan après sa rencontre officielle précitée avec N. Sarkozy :

La France et la Turquie se sont fixées pour objectif d’augmenter de 50%, à 15 milliards d’euros, le volume des échanges commerciaux d’ici 2012 ?

La perspective de quelques contrats juteux vaut bien quelques opérations anti-Kurdes.

C’est évidemment inacceptable.

André Métayer