L’écologie, deuxième pilier du programme du BDP

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La délégation des Amitiés kurdes de Bretagne a rencontré à Hakkari l’association Cilo Doga pour la deuxième fois. Elle fait de l’écologie son axe de lutte, deuxième pilier du programme du Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP). Une année s’est écoulée depuis le début du processus de paix entamé par le gouvernement Erdogan et le leader kurde Abdullah Öcalan. Cette rencontre a permis d’échanger sur les évolutions dans la région de Hakkari, ville frontalière de l’Irak et de l’Iran.

Un processus de paix pour rétablir l’équilibre environnemental.

Avec le début du processus de paix, il n’y a plus d’affrontement dans la région. Il n’y a donc plus d’utilisation d’armes chimiques. Par contre, les gaz lacrymogènes continuent, en périphérie de la ville, à affecter notre écosystème. Il y a des espèces végétales qui sont rares dans le monde et ici elles sont menacées

affirme l’un des animateurs de Cilo Doga.

Comme nous avons pu en témoigner l’an passé, beaucoup d’espèces ont disparu et d’autres sont en voie de disparition. Les nombreux incendies ont également empêché les graines de germer. Trente années de guerre se sont écoulées, les fleurs et les plantes ne peuvent plus être aussi productives et l’apiculture voit sa production de miel en forte baisse.

Les autorités gouvernementales vont rayer de la carte des régions entières en construisant des barrages hydroélectriques dont l’utilité est d’ailleurs contestée. En noyant des vallées entières, ils se rendent coupables de la destruction d’espèces végétales et animales.

hasankeyf.jpgNous avons pu nous rendre à Hasankeyf pendant notre périple, un des sites historiques de maisons troglodytes, là où la délégation avait planté un abricotier. Il était tout en fleurs, laissant perler un espoir de paix malgré un danger latent : la Turquie en effet, n’a pas renoncé à construire sur ce site un barrage hydroélectrique qui fera disparaître tout un patrimoine assyrien, chrétien, abbasside, islamique et ottoman.

Cette volonté politique de destruction pour un intérêt économique capitaliste, c’est une manière de rayer de la carte les origines historiques et culturelles d’un pays.

Un processus de paix pour développer les activités de montagne

Cette région est dotée de montagnes et de parois impressionnantes où il serait possible d’y développer toutes sortes d’activités si le passage était libre mais le gouvernement préfère déployer son énergie à condamner les membres de clubs sportifs sous prétexte que leurs activités servent à soutenir la guérilla. Un guide de montagne que la délégation AKB avait rencontré l’an passé a été condamné à une forte amende et à une peine de prison avec sursis au motif qu’il emmenait en randonnée dans des zones classées interdites des sportifs qui étaient aussi des personnalités connues, comme écrivains ou intellectuels.

Un processus de paix pour déminer la région

Pour la deuxième année de suite, l’association nous demande de relayer son appel à l’aide pour déminer la région. L’accès à de nombreux villages et à des zones entières est interdit et, même si les guides connaissent très bien la région, il est fréquent que des mines explosent.

Tous les printemps, la population va à la montagne car c’est là sa seule ressource économique. Et tous les printemps, deux ou trois personnes sont tuées ou blessées par les mines.

Toutes les frontières des quatre parties du Kurdistan sont truffées de mines et il faudrait une coopération de l’ensemble des gouvernements de ces régions pour mener à bien ce chantier gigantesque de déminage. AKB a promis de relayer l’appel de Cilo Doga auprès de Handicap International.

Un processus de paix pour lutter contre la pollution

La région connait une accumulation de déchets qui pollue le sol, bien que les collectivités locales du BDP mènent depuis ces trois dernières années une politique active pour lutter contre ce fléau.

90 % des déchets ménagers sont ainsi récoltés mais la question du traitement reste posée. Un projet commun à l’ensemble des villes de la région est à l’étude. Ce projet qui bénéficie des fonds européens est soutenu par l’ensemble des mairies de la région et sera conforme aux standards européens. Il sera ainsi possible de nettoyer les décharges sauvages qui sont une atteinte à l’environnement et qui polluent les cours d’eaux. Ce projet met en place une nouvelle décharge, où les déchets seront recouverts, et un système de destruction et de recyclage des déchets.

charbon_jeanne.jpgLa délégation a noté une nouvelle pollution née de la campagne électorale : à l’approche des élections locales, le gouvernement AKP a fait distribuer du charbon à la population, mais un charbon de très mauvaise qualité. Résultat : on trouve des tas de charbon aux bords des routes, dont une partie se déverse dans les cours d’eaux.

Un processus de paix pour former et informer sur l’environnement

Les campagnes de formation continuent dans la région pour permettre à la population cette prise de conscience des enjeux environnementaux. Même si avec la campagne électorale les formations ont été arrêtées pendant deux mois, l’association continue de développer des partenariats avec les autres parties du Kurdistan, notamment avec le Kurdistan du Sud, c’est-à-dire la région autonome du Kurdistan d’Irak.

Nous avons commencé un travail de formation financé par les fonds de l’Union européenne avec pour problématique la nature et l’environnement dans les zones rurales. Nous avons également pour projet de mettre en place des assemblées sur l’écologie. Tous ces projets nous permettent de mettre en avant l’importance des relations entre l’homme et la nature et de sensibiliser l’opinion à l’environnement.

Les autorités gouvernementales n’ont pas autorisé la tenue du festival de la Paix, de la Culture et de l’Ecologie en juin prochain, mais n’ont pu interdire aux militants d’organiser un festival pour la Paix et l’Environnement qui se tiendra le 1er septembre prochain et ce pour la première fois, mais avec la volonté de recommencer chaque année.

Un processus de paix, une étape dans la lutte d’un peuple pour son autodétermination

Certaines zones de la région sont décrétées zones de guerre, donc interdites à toute circulation. L’Etat peut ainsi en tirer un bénéfice stratégique en exerçant un contrôle sur toute une population.

Le projet d’autodétermination du peuple kurde passe par la prise en compte de la question environnementale et du rapport entre l’homme et la nature, en rupture avec une société basée sur un développement capitaliste. Le processus de paix permet de sensibiliser la population aux problématiques écologiques et de lui faire prendre conscience de la dimension environnementale. Il permet de mettre en avant ces questions qui ont été trop souvent relayées au deuxième plan par la guerre pour la libération et la reconnaissance de l’identité kurde.

Notre objectif va au-delà d’un projet de sensibilisation de notre écosystème. Notre volonté est la mise en place de structures permettant de protéger notre écosystème et de vivre en harmonie avec lui,

conclut le militant écologiste de Cilo Doga.

Anne-Sophie Deletang

Pascal Tual

André Métayer