Les Kurdes de Rennes pleurent Mehmet, tué au combat contre l’EI

rouge]Une cérémonie du souvenir aura lieu à Rennes le samedi 7 mars à partir de 14 h [au siège d’Amara, 11 rue du Pré au Bois.[/rouge]

La nouvelle est tombée vendredi, semant la désolation dans les familles kurdes de Rennes : Muhammed (Mehmet) Işıklar est “tombé martyr” au Kurdistan de Syrie (Rojava) le mercredi 24 février, près de Til Temir, au sud du canton de Cêzirê.

Mehmet est né le 14 mars 1983 à Karapinar (Qerepungal en kurde), petit village près de Varto, au Kurdistan de Turquie, village de 150 maisons bien connu à Rennes, où plusieurs dizaines de familles qui en sont issues sont venues se réfugier après que l’armée turque les en eut chassé en 1994. Les AKB ont popularisé cette histoire sous la forme d’un livre de témoignages édité en 1998 et d’une exposition de photos, signée Gaël Le Ny, consacrée aux populations originaires de ce village. Mehmet avait 11 ans quand les militaires ont incendié les habitations, dispersé les troupeaux, molesté hommes, femmes et enfants et tué trois bergers. La famille Işıklar, comme les autres familles, a alors pris la route de l’exil, une partie se retrouvant à Rennes, plusieurs frères de Mehmet, des cousins, des amis, des voisins. Certains ont pris des responsabilités associatives dans l’organisation de la communauté kurde de Rennes.

Mehmet et ses parents, Xalis et Rehime, ainsi que d’autres membres de la famille, trouvèrent refuge à Ambar, petit village près de Bismil (province de Diyarbakir). C’est là que Mehmet a grandi et mûri avant de rejoindre Istanbul. A 20 ans, il s’engage dans les HPG, forces combattantes du PKK. Ses parents, militants kurdes, étaient fiers de leur fils, souffrant néanmoins d’être séparés de lui. Ils ne le reverront jamais. En 2012, il se porte volontaire pour aller prêter main forte à ses frères kurdes de Syrie et est versé dans les YPG, forces combattantes du PYD, pour lutter contre les djihadistes semant la terreur dans toute la contrée. Le 24 février 2015, il était engagé dans la terrible bataille de la vallée de la rivière Khabur et était posté en sentinelle avancée. C’est là, à Til Temir, qu’une balle de sniper devait mettre fin à ses jours. Mehmet avait 32 ans. Il combattait depuis 12 ans.

La bataille sur la Khabur

Mehmet faisait donc partie des forces kurdes qui sont venues au secours de 33 villages chrétiens de la vallée de la rivière Khabur, au sud-est du canton de Cêzirê. La population de ces villages descend des Assyro-Chaldéens chassés d’Irak en 1933 et qui venus se mettre sous la protection de la France, ayant alors mandat sur la Syrie.

Dans un article précédent, nous avons relaté une semaine de combats au Rojava, notamment à Til Temir où la bataille a été extrêmement violente (attaque des villages de la rive droite de la Khabur par l’EI entre le 23 et le 25 février, des civils tués et plus de 220 otages enlevés, encerclement de Til Temir le 25, raid en ville faisant une centaine de morts, avant que la contre-attaque des YPG/J ne permette de repousser l’EI au sud de la Khabur et de contenir l’encerclement) et se poursuit aujourd’hui.

mehmetisiklar1.jpgLes forces kurdes du Rojava ont perdu plus de 40 hommes et femmes pendant ces 7 jours de combat, mais elles peuvent s’enorgueillir, grâce au sacrifice de héros comme Mehmet, d’avoir porté un coup sévère aux barbares de l’EI.

Condoléances

La dépouille de Mehmet Işıklar, rapatriée à Diyarbakir, a été inhumée le 3 mars dans son village d’adoption, Ambar, entourée de sa famille et de milliers d’amis. Tous ses proches, émigrés à Rennes, étaient également présents. Une cérémonie du souvenir aura lieu à Rennes à leur retour. Les Amitiés kurdes de Bretagne adressent à la famille de Mehmet et à tous les Kurdes de Rennes leurs sincères condoléances.

André Métayer