Les Kurdes en première ligne dans le combat contre l’Etat islamique

Enfin ! Depuis que le Kurdistan irakien subit des attaques sans précédent des djihadistes de l’Etat islamique (EI, appelé aussi EIIL et ISIS en anglais), les diplomaties américaine et européenne, dont celle de la France, décident de réagir face au danger que représentent pour toute la région et même au-delà ces hordes organisées dont l’objectif est d’instaurer le califat et la charia par tous les moyens, y compris par la terreur.

Le Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fermement condamné l’EI. Nous attendons qu’il condamne avec la même sévérité ceux qui le soutiennent, comme le Qatar, mais aussi la Turquie : c’est un secret de polichinelle que de révéler la connivence du gouvernement islamo-conservateur de la Turquie qui donne toutes facilités aux djihadistes pour passer les frontières et qui leur apporte la logistique nécessaire pour leur base arrière (camp d’entrainement, ateliers, hôpitaux). “Depuis 2012, explique Fehim Tastekin, journaliste à Radikal, Ankara mène une politique de soutien aux groupes qui combattent les Kurdes syriens du PYD, affilié au PKK, pour empêcher la création d’une entité kurde en Syrie”. Cette erreur stratégique, que nous n’avons cessé de dénoncer, est partagée, hélas, par la diplomatie française qui se garde bien d’apporter aux Kurdes syriens un quelconque soutien politique, économique ou humanitaire. Les populations paient au prix fort cet aveuglement.

L’union de toutes les forces kurdes

Les Kurdes se sont trouvés en première ligne, en Syrie, pour s’opposer aux combattants mêlés de l’EIIL, du Front Al-Nosra et de “l’armée syrienne libre”, tout en repoussant aussi, au de-là de leur territoire, le Kurdistan syrien (Rojava), les troupes de Bachar el-Assad et ce dans l’indifférence et l’hostilité générale. Et ce sont encore les Kurdes qui, depuis début août, se trouvent en première ligne en Irak pour stopper les troupes sanguinaires de l’Etat islamique, qui se livrent à toutes sortes d’exactions contre les populations civiles.

salih_muslim.jpgToutes les forces kurdes sont mobilisées, surmontant les divergences politiques qui opposent Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan irakien, à Salih Müslim, co-président du PYD (Parti de l’Union démocratique – en photo), principal parti kurde du Rojava. L’arrivée rapide des YPG – les combattants et les combattantes du PYD – venus prêter main forte aux peshmergas de Barzani, a stoppé l’avancée des djihadistes dans les montagnes de Sinjar et les a empêchés de commettre de nouveaux massacres. Les YPG, dans les rangs desquels nombre de civils se sont engagés, mènent des opérations de “nettoyage” sur la frontière irako-syrienne, dans la région de Rabia. La ville de Rabia est déjà sous leur contrôle. Les forces combattantes du PKK (les HPG – forces de défense populaires – et les YJA Star – troupes des femmes libres) ont envoyé des renforts à Sinjar. Elles sont aussi à Kirkouk. Les villes stratégiques de Makhmur et Guwer ont été reprises le 10 août et la région sécurisée. Les combattants kurdes d’Iran (les YRK) du PJAK (Parti de la vie libre) sont également sur place et prennent part aux combats. PKK (Turquie), PJAK (Iran) et PYD (Syrie) sont sur la même ligne politique et leurs organisations internes sont identiques. Cette union sacrée avec Barzani ne sera pas sans conséquence pour l’avenir du peuple kurde. Il y a des solidarités qui ne devraient pas s’oublier.

Américains et Européens revoient leur stratégie

Il revient à la France le mérite d’avoir “secoué” ses homologues de l’Union européenne. Pour sa part, Paris amplifie son aide humanitaire et va livrer aux Kurdes de Barzani des armes et des équipements militaires. Les ONG françaises présentes en Irak ont renforcé leur action. Berlin va fournir une aide humanitaire “rapide et effective ” et envoyer des moyens militaires non létaux. Londres veut participer au sauvetage des populations menacées. Les Etats-Unis ont procédé à des frappes aériennes et les “conseillers militaires” américains sont déjà sur place. Même le pape François demande à l’organisation des Nations unies d’intervenir et de tout faire pour mettre fin à la tragédie humanitaire, sans exclure explicitement le recours à la force.

André Métayer.