Me Emin Aktar : “après chaque interdiction, nous revenons plus forts”

A l’occasion de la célébration du Newroz à Diyarbakir, Chris den Hond et Mireille Court ont interviewé Me Mehmet Emin Aktar, ancien président du barreau de Diyarbakır et l’actuel défenseur de Gültan Kışanak, Selahattin Demirtaş et Leyla Güven.

C’est très courageux de la part d’Emin Aktar d’avoir accepté cet interview alors qu’il vient d’être condamné à 6 ans et 3 mois de prison au motif “d’appartenance à une organisation” et de “propagande pour une organisation terroriste”.

Emin Aktar est connu à Rennes : il a été l’invité du Barreau et de la Ville de Rennes en 2012. Son nom a été aussi évoqué en 2015 lors d’une cérémonie en hommage à Me Tahar Elci, bâtonnier assassiné du barreau de Diyarbakir dont il était proche :

élu juste après moi bâtonnier de Diyarbakir, Il défendait en tant qu’avocat les droits humains, et faisait des recherches sur les assassinats obscurs ciblés, C’est pourquoi il a été assassiné. Le meurtre n’a toujours pas été élucidé.

Il évoque au cours de l’entretien les motifs d’accusation contre Gültan Kışanak :

ils sont basées sur trois de ses interventions lors de Newroz et trois de ses interventions lors de la journée internationale de la femme du 8 mars. Elle a parlé, en tant que maire et en tant que femme, des violences faites aux femmes. Elle est aussi accusée d’avoir fourni un véhicule de la mairie pour transporter les corps des combattants du YPG, des enfants de cette ville, qui sont morts dans le combat contre Daech. Mais c’était son devoir de fournir un véhicule !

On voit dans la vidéo Gültan Kışanak aux prises avec l’armée turque lors d’une manifestation de soutien à la résistance kurde de Kobanê.

Emin Aktar rappelle qu’en décembre 2020 la Grand’chambre de la Cour européenne de Droits de l’Homme a statué en disant que toutes les déclarations de Selahattin Demirtas étaient directement liés à ses activités politiques, qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un délit et qu’il devrait être immédiatement relâché :

cette décision de la plus haute instance de la Cour européenne de Droits de l’Homme doit servir de référence concernant le procès de Gültan Kışanak et de tous les autres politiciens kurdes.

Emin Aktar donne aussi des nouvelles de Selahattin Demirtas et Gültan Kışanak qui ont tous deux de sérieux problèmes de santé :

A chaque fois que je les rends visite, ils ont un grand moral.

Emin Aktar a foi en l’avenir malgré les menaces de dissolution du parti de gauche pro kurde qu’est le Parti démocratique des Peuples (HDP) :

l’objectif principal du bloc au pouvoir est de gagner de nouveau les élections. Mais si on observe la politique de l’État turc envers le parti pro kurde depuis 1990, avec le HEP, jusqu’à aujourd’hui, chaque fois qu’un parti qui défend la question kurde a été interdit, un nouveau parti kurde a été créé et en sortait encore renforcé avec davantage de votes.

André Métayer