“Notre honneur, c’est notre liberté”

La Fondation internationale des Femmes libres (IFWF) a tenu à Bruxelles, sous la présidence d’Eva-Britt Svensson, Présidente de la Commission des Droits de la Femme et de l’Egalité des Genres au Parlement européen, une conférence – la première au sein du PE – marrainée par Waris Dirie, ancienne ambassadrice de l’ONU et Ela Ghandi, petite-fille de Ghandi, ancienne députée du Parlement sud-africain.

Parmi les interventions de personnalités exceptionnelles en matière de lutte en faveur des femmes, nous retiendrons celle de Nawal El Sadaawi, écrivaine égyptienne sur la conception de l’honneur (patriarcat, politique et religion), de Mina Ahadi, iranienne, sur la lapidation et les crimes d’honneur, de Simone Bernier, militante française de Femmes Solidaires (représentant Aicha Dabale, de Djibouti, également de Femmes Solidaires), sur l’excision, et d’Eren Keskin, avocate kurde, sur les violences étatiques.

L’actualité turque, avec le coup d’état politique contre les libertés individuelles et collectives (interdiction du parti légal pro-kurde DTP) commis par la Cour constitutionnelle de Turquie, met en lumière le poignant témoignage de la fondatrice du “Bureau de soutien juridique aux victimes de sévices sexuels et de viols en garde à vue” : la régression en termes de liberté se traduit toujours par des arrestations, des condamnations, des incarcérations et les agressions touchent les femmes plus durement encore.

Photo : Berfin Dilav

Il faut changer les mentalités, s’est écriée E. Keskin, à commencer par celles des femmes : les femmes victimes d’abus sexuels, par exemple, ne veulent pas porter plainte, parce qu’elles ne veulent pas faire de la peine à leur père, à leur frère ou à leur mari ; en 15 ans de travail je n’ai jamais entendu une seule femme dire qu’elle ne voudrait pas faire de la peine à leur mère.

Eren Keskin
Photo : Berfin Dilav

Un séjour en prison va bouleverser sa vie et sa détermination sera encore plus grande : condamnée pour avoir prononcée le mot “Kurdistan”, cette habituée des prétoires se retrouve de l’autre côté de la barre et une relation plus égalitaire va se nouer avec ses “clientes” : la détenue Keskin témoigne :

…elle commence à raconter… des policiers l’ont violée en garde à vue et jusqu’à ce jour elle n’en a parlé à personne. Il y a sur son visage une expression, que j’ai cru revoir par la suite sur les visages de toutes les autres femmes victimes de sévices sexuels ou de viol. C’est comme si, lorsqu’elles racontent ce moment-là, toutes les femmes n’en formaient qu’une.

21 procès sont intentés contre elle mais Eren Keskin n’en a cure ; seul compte le combat pour la libération de la femme, victime du patriarcat, de la politique et de la religion : “notre honneur c’est notre liberté” rappelle Fadile Yilderim, porte-parole en Europe de la campagne du même nom, elle qui connut les geôles turques pour avoir défendu la sienne les armes à la main.

Toutes ces militantes venues du monde entier ambitionnent, comme l’a rappelé Nursel Kilic, l’une des organisatrices de cette conférence, d’obtenir des instances nationales et internationales que les droits des femmes soient reconnus et que des mécanismes décisionnels et législatifs soient effectivement appliqués ; elles se retrouveront pour élaborer de nouvelles stratégies visant à combattre la violence faite aux femmes.

André Métayer