On ne peut parler de paix en Turquie sans s’inquiéter du sort d’Abdullah Öcalan

Depuis 10 jours, 15 Kurdes yézidis sont en grève de la faim à Strasbourg. Ils viennent de la région de Sinjar (Kurdistan d’Irak) d’où ils ont été chassés. On se souvient que les Yézidis, poursuivis par l’organisation Etat islamique (EI), ont échappé de peu à un génocide, grâce à l’intervention des combattants du PKK descendus des monts Qandil pour venir à leur secours. Certains ont été accueillis par la ville de Diyarbakir au camp de Fidanlik, en faveur duquel les AKB organisent des opérations de solidarité avec le soutien de la ville de Rennes et du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.

Les grévistes de la faim de Strasbourg, qui veulent attirer l’attention de l’opinion internationale sur le sort réservé à cette minorité religieuse, demandent aussi la liberté pour Abdullah Öcalan, le président charismatique du PKK, emprisonné dans l’île-prison d’Imrali, sans lequel les négociations de paix ne peuvent aboutir. La France appelle à la reprise de dialogue sur la question kurde qui avait été initié en 2013 et nous nous en félicitons, mais il n’est pas possible, il n’est plus possible de ne pas, en même temps, s’interroger sur le sort du principal négociateur. On se souvient des espoirs suscités par l’appel d’Öcalan rendu public le 21 mars 2013, à Diyarbakir, lors d’un rassemblement monstre à l’occasion de la fête du Newroz :

nous sommes arrivés à une phase dans laquelle les armes doivent se taire et faire place à la lutte politique. Le temps de la lutte armée est révolu. Il faut créer les conditions pour un nouveau système démocratique qui va concerner non seulement les peuples anatoliens mais également tous ceux de la Mésopotamie dont l’un des plus anciens est le peuple kurde.

Politique de terreur

Depuis, Erdoğan a montré son vrai visage, notamment après les élections du 7 juin 2015 qui lui avaient fait perdre sa majorité absolue au sein du Parlement de Turquie. Le vrai coup d’Etat n’est pas celui avorté du 15 juillet 2016, porté par une singulière manœuvre militaire, dont on peut douter de la crédibilité, mais celui préparé méthodiquement par un président qui élimine ses opposants et ses anciens amis pour arriver au pouvoir absolu. Le processus de paix a été brutalement interrompu, faisant place aux dérives d’une politique de terrorisme d’Etat : couvre-feux arbitraires, arrestations de masse (7 000 détenus dont de nombreux maires et élus locaux), assassinats, déplacement de plus de 500 000 personnes, levée de l’immunité parlementaire des députés kurdes, destructions à grande échelle de sites archéologiques millénaires classés au Patrimoine mondial par l’Unesco. La dernière opération en date étant l’invasion de la Syrie pour empêcher les Kurdes de Rojava, qui s’opposent victorieusement à l’EI, de mettre en place un système démocratique, décentralisé, pluriethnique, multi confessionnel, l’opposé de la politique d’Erdoğan.

Vives inquiétudes quant à l’état de santé et à la sécurité d’Abdullah Öcalan

Déjà en 2014, Erdoğan avait décidé de suspendre les discussions et de bloquer les visites du HDP à Abdullah Öcalan, en réponse aux tensions provoquées par l’inertie de son gouvernement alors que la ville de Kobanê était assiégée par l’EI. Depuis avril 2015, aucune visite de la famille, des avocats ou du HDP n’ont été autorisées. Aucune nouvelle n’est parvenue depuis 16 mois. Abdullah Öcalan est à l’isolement complet. Lors des dernières rencontres avec ses avocats, Abdullah Öcalan avait à plusieurs reprises souligné le risque d’un coup d’Etat et les conséquences qui pourraient en découler pour sa sécurité.

Le Conseil démocratique kurde en France demande la libération immédiate d’Abdullah Öcalan, “acteur incontournable dans les relations entre l’Etat turc et le mouvement kurde” et invite toutes les ONG et “toutes les personnes attachées à la démocratie et au respect des droits humains ” à rejoindre la campagne “Liberté pour Öcalan” en signant la pétition en ligne : www.freedomforocalan.org.

André Métayer