On veut bâillonner l’opposition politique en Turquie : Sebahat Tuncel condamnée à 105 mois de prison

Le fascisme de l’AKP, parti au pouvoir, veut réduire au silence toute opposition. C’est le gouvernement AKP qui commet des actes criminels et non ceux qui sont traînés devant les tribunaux pour délits d’opinion

déclarait en juillet dernier Sebahat Tuncel, députée BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie), lors d’une conférence organisée à Istanbul pour dénoncer la parodie de justice de la 15ème chambre de la Cour criminelle jugeant 205 prévenus : des membres du BDP dont une universitaire de renom, Busra Ersanlı, des journalistes dont un éditeur internationalement connu, Ragip Zarakoğlu.

Sebahat Tuncel, née en 1975, députée depuis 2007, n’a rien perdu de sa fougue militante depuis ses années estudiantines : kurde, alévie, féministe, socialiste, elle s’est lancée dans la politique à partir de 1998 en s’engageant au sein de la commission des femmes du parti pro-kurde qui, sans cesse interdit, a pris successivement les noms de HADEP, DEHAP, DTP puis BDP. Poursuivie pour appartenance au PKK, elle est placée en détention au cours de l’année 2006. Après avoir fait campagne pour les élections législatives à partir de sa prison, elle est élue députée en juillet 2007 et libérée grâce à son immunité parlementaire. Elle est réélue députée d’Istanbul en juin 2011.

Sebahat Tuncel était à la fête de l’Huma

Régulièrement invitée en France et dans différents pays européens, elle était présente à la fête de l’Humanité du 14 au 16 septembre dernier et participait à différents débats comme celui proposé par l’ANECR (Association nationale des élus communistes et républicains), les Femmes Solidaires (mouvement féministe d’éducation populaire défendant la laïcité, la mixité, l’égalité pour les droits des femmes…) et les associations kurdes : “quel avenir pour les Kurdes de Syrie et de Turquie“. Son intervention a été très écoutée :

le pouvoir en Turquie veut éradiquer toute opposition politique, toute expression politique contestataire. Il veut museler toute expression des revendications kurdes en jetant en prison des milliers cadres du parti [BDP], des centaines d’élus du peuple. Nos jeunes n’ont d’autre alternative que de rejoindre la lutte armée. C’est le pouvoir fasciste turc qui en est responsable.

Deux jours plus tard, le 18 septembre, le tribunal d’Istanbul a prononcé contre elle une peine d’emprisonnement de 8 ans et 9 mois pour « appartenance au PKK », avec interdiction de quitter le territoire turc. La députée a fait immédiatement appel de cette décision devant la cour de cassation. Une demande de levée de son immunité parlementaire sera soumise à l’assemblée nationale turque.

Erdogan exige la levée de l’immunité parlementaire de neuf députés du BDP

Sebahat Tuncel n’est pas la seule députée kurde sous le coup d’une demande de levée d’immunité parlementaire. Le chef du gouvernement RT Erdogan fait pression sur la Grande Assemblée de Turquie (où son parti, l’AKP, est majoritaire) pour qu’elle vote, lors de sa prochaine session, cette mesure qui permettra d’incarcérer les députés du BDP à qui il est reproché leurs prises de positions politiques. Sont visés Gulten Kisanak, co-présidente du BDP et députée de Siirt, Husammettin Zenderlioğlu, député de Bitlis, Adil Kurt, député de Hakkari, Nazmi Gur, député de Van, Idris Baluken, député de Bingöl, Aysel Tugluk, députée de Van, Ozdal Ucer, député de Van, Ertugrul Kurkcu, député de Mersin. Six députés du BDP sont déjà incarcérés : Hatip Dicle (candidature invalidée), Selma Irmak, députée de Sirnak, Faisal Sariyildiz, député de Sirnak, Kemal Aktaş, député de Van, Gulser Yildirim, députée de Mardin et Ibrahim Ayhan, député d’Urfa.

André Métayer