Pression maximum sur le HDP

Arrestations arbitraires, destitutions de maires, le parlement de Turquie étudie la levée de l’immunité parlementaire de neuf députés

Des requêtes tendant à la levée de l’immunité parlementaire sont dirigées contre neuf députés du parti pro kurde HDP (Parti de la Démocratie des Peuples) : Pervin Buldan, qui est par ailleurs coprésidente du HDP, Fatma Kurtulan, Garo Paylan, Hüda Kaya, Meral Danış Beştaş, Saruhan Oluç, Serpil Kemalbay, Sezai Temelli et Pero Dundar.

La Grande Assemblée de Turquie (Parlement turc) qui s’apprête à examiner ces requêtes est sous le contrôle du président Recep Tayyip Erdoğan et de son parti, l’AKP (islamiste), allié au MHP (extrême-droite).

Ces requêtes font suite à l’enquête du parquet d’Ankara, lui aussi sous contrôle d’Erdoğan, sur les violentes manifestations qui avaient éclaté en octobre 2014 pour protester contre le siège de Kobanê par les djihadistes de Daech soutenus discrètement par la Turquie.

L’acte d’accusation de 3 530 pages est fondé essentiellement sur les activités politiques des accusés, ainsi que sur leurs déclarations publiques et leurs entretiens avec la presse. Le fiasco de l’opération “Garê” a accentué la pression sur les milieux pro-kurdes en Turquie et en particulier sur le HDP. Cette répression implacable perdure. Rappelons que Selahattin Demirtas, la figure de proue du HDP et ancien rival d’Erdoğan à l’élection présidentielle, est incarcéré depuis 2016.

L’Union européenne « gravement préoccupée »

Le porte-parole de l’Union européenne a déclaré le 23/02/2021 la préoccupation de l’UE à propos des actions en cours contre les membres du HDP :

L’Union européenne est gravement préoccupée par la pression continue contre le HDP et plusieurs de ses membres, qui s’est concrétisée récemment par des arrestations, le remplacement de maires élus, ce qui semble être une procédure judiciaire à motivation politique et la tentative de levée des immunités parlementaires des députés du Grand Assemblée nationale. Ces développements s’ajoutent à la non-application par la Turquie de la décision de la Cour EDH relative à la libération de M. Selahattin Demirtaş ainsi qu’à la détention de centaines de politiciens locaux, de titulaires de charges élues et de membres du HDP pour des accusations liées au terrorisme. Tout acte répréhensible ou crime allégué doit être soumis à une procédure régulière et la présomption d’innocence doit être sauvegardée. En tant que membre de longue date du Conseil de l’Europe et pays candidat, la Turquie doit sauvegarder son système démocratique, y compris le respect des droits de l’homme et de l’État de droit et la liberté d’association politique.

Face à Erdoğan, cette jeunesse qui “ne baissera pas les yeux”

La contestation gagne aujourd’hui d’autres catégories, comme le note Martine Gozlan, dans Le Monde du 27/02/2021 :

D’Istanbul à Ankara, les étudiants manifestent contre un pouvoir jugé autoritaire, corrompu et bigot. Dans leurs rangs, on trouve des jeunes issus de familles laïques, mais aussi religieuses, et parfois même qui ont pu soutenir le parti d’Erdoğan. Erdoğan a-t-il sous-estimé la capacité de résistance de ses jeunes compatriotes à sa machine de propagande et d’intimidation ? Depuis bientôt deux mois, une vague de contestation étudiante déferle à travers le pays. Tout est parti de la prestigieuse université du Bosphore, institution connue pour son indépendance. La désignation autoritaire d’un nouveau recteur, Melih Bulu, au début de janvier, déclenche la stupeur des professeurs et des étudiants. L’homme adoubé par le sultan est un membre influent de l’AKP, le parti au pouvoir.

André Métayer