Procès staliniens à Diyarbakir (suite) : 111 condamnations de 1 à 21 ans de prison

A la façon de Staline des années trente, Erdoğan continue en 2017 à employer l’arme préférée des dictateurs pour éliminer leurs adversaires politiques : le procès humiliant suivi d’une sanction exemplaire. La peine de mort a été heureusement abolie en Turquie, mais le président songe sérieusement à la rétablir, au grand dam des Européens empêtrés dans leur politique de l’autruche.

A l’issu d’un procès inique ouvert depuis 2009, une centaine de personnes ont été condamnées, mardi 28 mars, à des peines allant de 1 à 21 ans de prison, pour “appartenance à une organisation terroriste”, “gestion d’une entreprise terroriste” et pour violation des lois sur les rassemblements et les manifestations. Il s’agit du procès ouvert contre l’Union des Communautés kurdes (KCK), présentée comme la branche urbaine du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Le KCK, placé sous la présidence symbolique d’Abdullah Ocalan, est l’élément fédérateur de toutes les organisations kurdes, qu’elles soient politiques, culturelles, religieuses, éducatives, économiques et militaires. Il faut noter que ce dispositif conforte la place des femmes, en instituant systématiquement des co-responsabilités homme/femme. Le KCK, avec son mode d’organisation ouvert au grand jour, était au début, dans les années 2005/2009, surveillé mais toléré jusqu’aux élections municipales de 2009, où la victoire kurde remportée dans l’Est anatolien a ouvert les yeux d’Erdoğan, qui a compris qu’une démocratie participative était pour lui un réel danger. Le KCK est devenu soudain une “entreprise terroriste” et ces vagues d’arrestation et d’incarcération n’ont cessé depuis.

Gülcihan Şimşek, Fırat Anlı, Leyla Güven, Emrullah Cin… à nouveau condamnés

Nous avions publié en 2012 les photos de 17 jeunes femmes, détenues à la prison de Bağlar (Diyarbakir), toutes élues ou militantes du KCK, dont notre amie Gülcihan Şimşek, qui nous avait accueillis plusieurs fois alors qu’elle était maire de Bostanici (arrondissement de Van). Libérée le 12 avril 2014 après avoir été incarcérée cinq ans plus tôt moins 2 jours, Gülcihan Şimşek a été condamnée à 6 ans et 3 mois de prison dans ce procès inique, en compagnie de 110 autres responsables dont Ahmet Türk, 74 ans, co-maire destitué de Mardin, incarcéré le 21 novembre 2016, libéré pour raison de santé le 20 janvier 2017. On trouve également Fırat Anlı, co-maire de Diyarbakır Métropole, Leyla Güven, ex co-maire de Viranşehir et membre du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, qui a déjà purgé une peine de 4 années de prison, ainsi que notre ami Emrullah Cin, co-maire de Viranşehir, qui lui aussi a déjà purgé une peine de 4 années et demi de détention. Tous sont, de nouveau, condamnés à 6 années et 3 mois de prison.

André Métayer