Qui est Abdullah Öcalan?

Abdullah Öcalan est né en 1949 dans une famille modeste du village d’Amara (Ömerli en turc), situé à une centaine de km à l’ouest d’Urfa, dans le Kurdistan de Turquie. Dès la fin de ses études secondaires, il entame une carrière de fonctionnaire dans la ville de Diyarbakir avant de s’inscrire à la Faculté des Sciences Politiques de l’Université d’Ankara. Lors du coup d’État de 1980 fomenté par une junte militaire turque, Abdullah Öcalan, alors secrétaire général du PKK, tout nouveau parti créé le 27 novembre 1978, dirige ce mouvement de résistance armée depuis la Syrie où il s’est réfugié. Dès 1984, avec le début des premières actions de guérilla, le gouvernement turc exerce sur la Syrie voisine une forte pression et, détenant la maitrise de l’eau, l’arme absolue au Moyen-Orient, se fait de jour en jour plus menaçant. Impatient, il ira jusqu’à masser ses troupes à la frontière syrienne. Abdullah Öcalan est prié de quitter la Syrie et prend le 9 octobre 1998 la direction de Moscou, puis de Rome. La pression internationale est si forte qu’il est contraint de chercher refuge ailleurs. Il tente alors de gagner l’Afrique du Sud, via le Kenya : c’est là, le 15 février 1999, qu’il est livré aux services secrets turcs (MIT) lors d’un véritable kidnapping organisé par le Mossad israélien et la CIA, avec la complicité de l’ambassade de Grèce.

Condamné à mort, détenu à vie

Ramené en Turquie par avion privé, incarcéré, Abdullah Öcalan est condamné à la peine capitale par la Cour de sûreté d’Ankara le 29 juin 1999, lors d’un procès que la Cour européenne des Droits de l’Homme juge le 12 mars 2003 inéquitable. Entre temps, la peine capitale est commuée en détention à perpétuité le 3 octobre 2002, après l’abolition de la peine de mort en Turquie. Abdullah Öcalan est incarcéré dans une île de la mer de Marmara, Imrali, utilisée depuis longtemps comme prison. En 1961, le premier ministre turc légitime, Adnan Menderes, y a été exécuté après le coup d’Etat militaire. Le célèbre réalisateur de films Yilmaz Güney a aussi été emprisonné à Imrali. L’île toute entière est déclarée zone militaire interdite.

Leader incontesté du peuple kurde

Le procès d’Abdullah Öcalan marque un tournant dans le conflit turco-kurde et donne à l’accusé une tribune pour faire connaître au monde entier les raisons de son combat et les solutions qu’il préconise. Il écrit plusieurs livres qui seront traduits en différentes langues. Trois millions et demi de Kurdes provenant de toutes les parties du Kurdistan signent en 2006 une pétition reconnaissant Abdullah Öcalan comme leur représentant politique. Un certains nombre d’actions sont entreprises pour protester contre ses conditions extrêmement sévères de détention. Citons les grèves de la faim à Strasbourg – 35 jours en 2007, 53 jours en 2012 – la marche de deux cents militants kurdes de Genève à Strasbourg en 2012, le bus “Liberté pour Öcalan” qui sillonne de septembre à novembre 2012 les routes d’Allemagne, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, de Belgique, d’Autriche, de Suisse et de France.

Depuis le 25 juin 2012, les Kurdes mènent une veille permanente, à Strasbourg, devant le bâtiment du Conseil de l’Europe.

Au cœur des négociations

Abdullah Öcalan ne ménage pas ses efforts pour déplacer la lutte du plan militaire vers le plan politique : un premier cessez-le-feu unilatéral est décrété en 1993, suivi de deux autres, en 1995 et en 1998 et d’un troisième, en 1999, qui dure 5 ans. La même année, en 1999, deux “groupes de paix” de combattants du PKK se présentent en Turquie, à sa demande, en signe d’ouverture pour une solution pacifique. Tous sont arrêtés et purgent depuis de longues peines de prison. Dix ans plus tard, en 2009, il envoie un autre groupe de combattants désarmés, ainsi qu’un groupe de réfugiés du camp de Mexmûr en Irak, franchir la frontière. Cette initiative de paix n’a pas non plus le succès escompté. La même année Abdullah Öcalan rédige une “feuille de route” qui sert de base de discussion lors des négociations secrètes, baptisées “processus d’Oslo”, menées de 2009 à 2011, auxquelles prennent part des émissaires de RT Erdogan et des membres du PKK.

Mais le Gouvernement turc, une fois de plus, se dérobe. Le 17 novembre 2012, à la demande d’Abdullah Öcalan, des centaines de détenus politiques kurdes qui menaient une grève de la faim, certains depuis 68 jours, cessent leur mouvement d’une ampleur sans précédent. La presse turque l’a avoué, l’AFP l’a admis, la position d’Abdullah Öcalan est sortie renforcée de ce conflit : “la façon dont s’est terminé le mouvement illustre la position de force d’Öcalan qui reste malgré son emprisonnement un acteur incontournable dans le conflit kurde en Turquie”. Les responsables des services secrets turcs (MIT) ont donc repris le bateau pour Imralı et on connaît la suite : trois délégations de députés BDP sont autorisées à se rendre à Imrali pour participer aux négociations, le 3 janvier 2013, le 23 février et le 18 mars. Le PKK libère 8 prisonniers le 12 mars et Abdullah Öcalan, après avoir consulté, outre le BDP, les représentants du PKK en Europe et les combattants du PKK des monts Qandil (au Kurdistan d’Irak), appelle à un cessez-le-feu unilatéral le 21 mars à l’occasion du nouvel an kurde. Le commandement militaire du PKK officialise le 23 mars cette trêve et précise que le retrait du territoire turc ne commencerait qu’après la mise en place de mécanismes “ad hoc” chargés de le surveiller. Les gestes du gouvernement islamo-conservateur sont attendus en retour.

André Métayer