Tribunal permanent des Peuples : le conflit entre l’Etat turc et le PKK est un conflit armé non international, soumis aux règles de droit international humanitaire

Sous la présidence de Philippe Texier, juge honoraire à la Cour de Cassation de France, le Tribunal permanent des Peuples (TPP) a déclaré l’État turc responsable du déni au peuple kurde de son droit à l’autodétermination, suivant en cela la démonstration des procureurs Jan Fermon et Sara Montinaro, qui ont fait valoir, à la lumière des faits exposés (que le TPP qualifie dans son verdict de crimes de guerre et de crimes d’Etat), que c’est ce déni systématique qui a conduit au conflit armé entre l’Etat et le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

La qualification juridique qu’il convient de donner à ce conflit armé qui oppose la Turquie au PKK est d’une importance capitale, car c’est de cette qualification que découle le droit applicable aux activités militaires de cette organisation. La démonstration des procureurs devrait éclairer toutes les personnes de bonne foi qui qualifient encore le PKK comme une organisation terroriste : en examinant les hostilités qui ont cours depuis 1984 sur les territoires kurdes de Turquie, leur intensité, leur durée et les qualités des parties à ces hostilités, le Tribunal peut affirmer que le conflit armé qui oppose les autorités de l’Etat turc et l’organisation politico-militaire kurde, le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est un conflit armé non international qui répond aux critères énoncés dans les conventions, la jurisprudence et la doctrine ci-dessus précitées. Le Tribunal vérifie cette qualification juridique tant ce qui concerne le conflit lui-même que l’organisation PKK.

Au terme de cet examen, il apparaît au Tribunal que le PKK est une organisation dotée de structures avec des responsables nationaux, régionaux et locaux. Cette hiérarchie du PKK définit des politiques et donne des instructions qui sont respectées par les membres de l’organisation et même par la majorité des populations kurdes. L’organisation conduit des opérations de grandes envergures qui obligent le gouvernement turc à mobiliser des milliers de soldats et de recrues sur de longues périodes. (Voir à ce sujet Yildiz, K, and Breau S, The Kurdish Conflict: International Humanitarian Law and Post-Conflict Mechanisms; London and New York, Routledge, 2010). A cette capacité militaire du PKK rapportée par des analystes et des observateurs, le Tribunal Permanent des Peuples confirme que, au cours des auditions auxquelles il a procédé, les représentants du PKK ont fait état de nombreuses opérations menées contre les forces armées turques. Plusieurs témoins ont fait état des actions du PKK organisées en vue de porter secours aux populations, montrant ainsi du même coup la proximité de cette organisation avec le peuple et sa représentativité…

Au vu de tous ces éléments et pour ces raisons, le Tribunal Permanent des Peuples considère que le conflit armé qui oppose les autorités et les forces armées et de sécurité de l’Etat turc et les forces armées du PKK sur le territoire turc et notamment dans les régions peuplées majoritairement par des populations kurdes est un conflit armé non international soumis aux règles de droit international humanitaire.

Les politiques répressives des autorités turques contre les populations kurdes laissent-ils d’autres choix au peuple kurde que la lutte armée ? La question fait débat. Elle est légitime. Mais le débat doit dépasser la réflexion théorique et chacun doit se poser la question : que fait-on pour la paix ? Paraphrasant de Gaulle au sujet de l’Europe, on peut dire : bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant la Paix, la Paix… mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. L’appréciation du TPP tord en tous cas le cou à l’assertion PKK= terroriste.

André Métayer