Turquie, Syrie : quelles alternatives aux régimes politiques en place ? (II)

Syrie : quelles alternatives à Bachar El Assad

André Métayer – La situation en Syrie se complique de jour en jour.

Eyyup Doru – L’intrusion dans le conflit armé contre Bachar El Assad de différents groupes d’opposition liés à Al Qaida complique la situation. L’opposition à Bachar El Assad reste, à ce jour, très divisée et la présence en Syrie de groupes radicaux islamistes rend encore plus aléatoire une issue politique. La situation est également marquée par une avancée des forces militaires gouvernementales dans des provinces et dans des villes dont elles ont repris le contrôle. Les régions contrôlées par les Kurdes font exception grâce aux “unités de défense populaire” (HPG) du Parti de l’Union démocratique (PYD), mises en place pour les protéger d’incursions en provenance tant de la Syrie et que de la Turquie.

A Alep – près de 2 000 000 habitants dont 600 000 Kurdes – les affrontements sont importants. La ville est écartelée en quatre secteurs, tenus respectivement par les Kurdes, les forces militaires gouvernementales et l’opposition qui elle-même se divise en deux : l’Armée syrienne Libre (ASL), d’une part, et les groupes liés à Al Qaida, d’autre part. Les forces militaires kurdes défendent les quartiers kurdes contre des attaques des forces gouvernementales. EIles s’opposent aussi à l’Armée syrienne Libre et aux groupes islamistes quand ils tentent de pénétrer dans les zones qu’elles contrôlent. Par ailleurs, l’Irak essaie de créer une deuxième force militaire, ce qui ajoute à la complexité de la situation.

AM – Le problème des réfugiés est crucial.

ED – De nombreuses familles fuient les zones de combat et tentent de trouver refuge dans les régions et les villes kurdes. L’accueil de près de 750 000 personnes crée de graves problèmes économiques et d’approvisionnement, aggravés par le fait que la Turquie et l’Irak ont fermé leurs frontière. De plus, aucune aide internationale ne parvient dans ces régions.

AM – Sur le plan international, même si toutes les grandes puissances, à l’exception de la Russie, appellent au départ de Bachar El Assad et au soutien à l’opposition syrienne, aucune pour le moment n’envisage une intervention militaire directe.

ED – Elles sont confrontées les une et les autres à une réalité politique d’envergure : quelle alternative au départ de Bachar El Assad ? L’expérience de l’Afghanistan, de l’Irak et plus récemment de la Libye, démontre qu’il ne suffit pas de renverser le pouvoir en place pour que se construise une société démocratique. Le soutien du Qatar et de l’Arabie Saoudite à la rébellion syrienne n’est pas dans ce domaine un gage pour qu’émerge une Syrie démocratique. À noter qu’au début du conflit, la position de l’Union européenne était singulièrement anti-kurde au motif que les Kurdes refusaient de combattre l’armée de Bachar Al Assad. Mais au fur et à mesure que le conflit s’enlise, au risque d’une dangereuse déportation des violences confessionnelles (chiites-sunnites) vers les pays voisins, certains responsables occidentaux commencent à voir les Kurdes sous un autre angle. C’est dans cette situation complexe que les Kurdes tente de construire une autonomie démocratique dans les zones qu’ils contrôlent tout en réclamant de la Syrie une intégration de toutes les communautés.

André Métayer