Vote historique du conseil municipal de Rennes unanime
Lundi, 1° décembre 2025, le conseil municipal de Rennes a approuvé, à l’unanimité , la proposition de jumelage avec la ville métropolitaine de Diyarbakır, déclenchant les applaudissements du public aux quels répondirent tous les conseillers municipaux, majorité et opposition confondue « Un moment important : la ville de Rennes est désormais jumelée avec Diyarbakır en Turquie » titre le Télégramme « Un moment important » : la ville de Rennes est désormais jumelée avec Diyarbakır en Turquie | Le Télégramme « Ce jumelage, le premier noué depuis deux mandats, vient sceller des décennies d’amitié entre les deux villes ». La charte sera signée le 11 décembre avec les co-maires de Diyarbakir, Serra Bucak et Doğan Hatun, en présence, notamment, de Gültan Kışanak, qui fut co-maire de la ville de Diyarbakir, avant d’être , en 2016, arrêtée, destituée et incarcérée. Ce n’est qu’en mai 2024, qu’elle retrouva la liberté.
Ce jumelage était souhaité depuis des décennies : « depuis 1977, Rennes a des contacts avec la ville de Diyarbakir. Il serait temps de conclure par un jumelage ces ‘’fiançailles’’ qui durent », pouvait-on lire déjà dans Ouest-France du 4 mai 2007 (‘’Jumeler Rennes avec Diyarbakir, la kurde’’).
Flavie BOUKHENOUFA, Adjointe à la Maire, déléguée aux Relations internationales présente la proposition de jumelage.

« Madame la Maire, Chers collègues,
C’est avec fierté, et non sans une certaine émotion, que je vous présente aujourd’hui la délibération relative à la conclusion d’un accord de jumelage avec la ville kurde de Diyarbakir. Cette fierté est d’abord celle de participer à un moment important de l’histoire internationale de Rennes.
Notre ville a une tradition d’ouverture au monde solidement ancrée, depuis la signature du premier accord de jumelage avec la ville anglaise d’Exeter, en 1956, un anniversaire dont nous célèbrerons les 70 ans l’an prochain.
Depuis, Rennes n’a cessé d’élargir son horizon : Rochester, Erlangen, Brno, Sendai, Leuven, Sétif, Cork, Almaty, Hué, Bandiagara, Poznań, Sibiu, jusqu’à Jinan en 2002.
Chaque jumelage porte la marque de son époque : réconciliation franco-allemande, construction européenne, alliance transatlantique, ouverture à l’ex-URSS, solidarité internationale, dialogue avec l’Asie… Mais tous poursuivent un même objectif : favoriser l’ouverture à l’autre, l’interconnaissance, la paix et les droits humains. Ils contribuent à faire de Rennes une ville ouverte au monde, capable d’exprimer sa solidarité dans un monde interdépendant où territoires et populations affrontent des défis communs.
Et n’en déplaise à certains, les collectivités territoriales françaises sont bel et bien des actrices indispensables de la diplomatie française et de l’aide publique au développement. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères l’a récemment rappelé en conclusion des Assises de la diplomatie parlementaire : les collectivités sont, je le cite, « les premiers partenaires du Quai d’Orsay dans l’action internationale ».
C’est dans cet esprit de solidarité que je vous proposerai, tout à l’heure, une aide d’urgence à notre partenaire de Hué, au Vietnam, durement touché par les crues récentes.
C’est également dans cette continuité que nous vous présentons aujourd’hui cet accord de jumelage avec Diyarbakir.
Notre histoire commune n’est pas nouvelle. Elle remonte à 1979, lorsque Rennes répondit à l’appel du maire de l’époque en offrant plusieurs bus à la ville.
Ce geste fut le point de départ d’un partenariat durable, concrétisé notamment par un projet majeur de réhabilitation du quartier de Ben U Sen, conduit avec l’Agence française de Développement entre 2009 et 2011.
En 2016, ces liens ont été brutalement interrompus, avec la destitution et l’emprisonnement des maires successifs, remplacés par des administrateurs. Pour autant, notre action – et tout particulièrement celle de notre Maire – ne s’est jamais arrêtée : Nathalie Appéré a ainsi constamment rappelé la nécessité du respect des droits humains au Kurdistan turc.
Ce n’est donc pas un hasard si les co-maires -Serra BucakKüçük et Dogan Hatun -démocratiquement élus au printemps 2024 ont immédiatement souhaité renouer les relations avec Rennes et les officialiser par un accord de jumelage. Pour eux, c’était une évidence : Rennes devait devenir la première ville jumelée avec Diyarbakir.
Un jumelage, ce n’est pas seulement une relation institutionnelle.
C’est aussi une relation concrète, déjà engagée à travers les premiers échanges techniques, notamment sur la gestion des déchets et l’expérimentation du tri à la source à Diyarbakir.
Une relation de ville à ville mais bien aussi, une relation entre citoyens.
Je veux ici saluer l’engagement remarquable de l’association rennaise Amitiés kurdes de Bretagne et de son président-fondateur, André Métayer, présent naturellement parmi nous ce soir ; il a contribué à tisser, avec autant de patience que de ténacité, le lien entre les Kurdes et les Bretons, entre les Rennais et les habitants de Diyarbakir.
Ce soir, une nouvelle page s’ouvre. Et elle était attendue tant là-bas à Diyarbakir qu’ici à Rennes.
Merci. »
Jean-François Monnier (UDB), Adjoint à la Maire de Rennes délégué au Handicap au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s

« Madame la Maire, mes chers collègues,
Les élues écologistes, citoyens et citoyennes soutiennent la proposition de jumelage avec la Ville de Diyarbakir.
Elle vient valoriser les liens historiques de solidarité entretenus avec la Ville de Rennes depuis 1979. Ces liens se sont traduits par des actions symboliques de soutien mais aussi par de la collaboration technique en gestion urbaine ou encore de l’aide financière pour les réfugiés à Diyarbakir.
Ce jumelage s’inscrit également dans un engagement de la Ville de Rennes en soutien aux militants et militantes de la cause kurde. Il fait suite notamment à la dénomination du Square Fidan Rojbîn Doğan au Bois Perrin décidée par notre Conseil municipal le 13 mars 2023. Rojbîn, rappelons-le, était une militante kurde qui a été assassinée à Paris le 10 janvier 2013 avec deux de ses camarades.
Ce jumelage ne peut aujourd’hui se comprendre que si l’on tient compte du contexte et du passé récent de la région de Diyarbakir.
Les habitants et habitantes de Diyarbakir sont majoritairement des Kurdes. Les Kurdes forment un peuple qui n’est pas reconnu par les États auxquels ils sont soumis. Ils font régulièrement l’objet de persécutions de la part de ces États. La Turquie ne fait pas exception, et la ville de Diyarbakir en est un exemple.
En 2016, accusées de soutenir le Parti des Travailleurs du Kurdistan, les autorités élues de la ville sont démises de leurs fonctions et remplacées par un administrateur judiciaire, la même chose se reproduit en 2019. Adnan Selçuk Mizrakli, membre du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More, le Parti démocratique des peuples, alors tout nouvellement élu co-maire, est même condamné en 2020 à 9 ans de prison.
En 2016 et 2017, une grande partie du centre historique de la ville est détruite durant des répressions militaires. La moitié ouest de Diyarbakır est détruite à 70 %, dont notamment plusieurs monuments historiques et la population soumise à un couvre-feu.
Nous tenons à apporter notre soutien à Doğan Hatun et Serra Bucak, élues co-maires de Diyarbakır en 2024, et espérons qu’il et elle puissent assumer leurs responsabilités d’élus jusqu’au bout de leur mandat.
Diyarbakır, qui a aussi souffert du tremblement de terre du 6 février 2023, est toujours le théâtre de violences, de la part de la police turque, mais aussi de groupes islamistes.
La langue kurde ne fait l’objet d’aucune reconnaissance ni d’aucun soutien de la part de l’État turc. La langue kurde n’est pas non plus enseignée à l’école en Turquie.
Notons aussi que le 12 Mai 2025, suite à un appel de son fondateur et dirigeant Abdullah Öcalan, le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, le Parti des travailleurs du Kurdistan s’est lancé dans un processus de paix et a prononcé sa dissolution et la fin de la lutte armée. Nous espérons fortement que ce processus aboutira à une paix durable dans la région.
Nous faisons ainsi le vœu que ces actions de soutien de la Ville de Rennes participent à ce début de processus pour un retour à la paix et à la démocratie au Kurdistan et en Turquie, ainsi qu’à la reconnaissance du peuple kurde et de ses droits politiques, culturels et linguistiques.
Nous souhaitons également que ce jumelage se concrétise par la poursuite de la coopération entre nos deux villes sur le plan de l’action publique. Nous pourrions par exemple travailler ensemble les questions de défense et de promotion de nos langues minorisées respectives, ou encore celles des déchets et de l’assainissement, qui sont des besoins importants à Diyarbakir.
Je vous remercie.
Arnaud Stephan, Conseiller municipal Délégué à la Petite Enfance au nom du groupe communiste

Dans son Intervention liminaire, faite au nom des élu-es du groupe communiste, Arnaud Stephan aborde la question de la solidarité internationale et déclare son soutien à l’accord de jumelage avec Diyarbakir :
« À Rennes, le groupe Communiste est fier de défendre avec ses collègues de la majorité, la solidarité internationale. Ce sera encore le cas lors de ce Conseil municipal : Je veux en premier lieu dire notre soutien à l’accord de jumelage avec Diyarbakir, capitale historique et politique du peuple kurde. Cette délibération portée par notre collègue Flavie Boukhenoufa illustre la volonté d’amitié entre les peuples que porte notre municipalité. D’ailleurs, les Amitiés Kurdes de Bretagne (association créée il y a plus de 30 ans) a grandement contribué à ces liens entre nos deux villes et nous remercions Madame la Maire d’avoir remis à son Président André Métayer, la médaille de la ville ».
Henri-Noël Ruiz, conseiller d’opposition du groupe Révéler Rennes
« Pour Henri-Noël Ruiz, conseiller d’opposition du groupe Révéler Rennes, le projet de jumelage pêcherait d’un point de vue financier. Pour lui ‘’aucun élément permet d’évaluer le coût pour la collectivité’’ quant à sa gouvernance et déplore l’absence de bilan des coopérations passées ». (O.F. 03/12/825). Henri-Noël Ruiz et son groupe ont néanmoins voté la délibération.
Rennes, la première ville au monde jumelée avec Diyarbakir

Nathalie Appéré, maire de Rennes, Présidente de Rennes Métropole, a souligné avant de procéder au vote, l’importance de cette nouvelle étape :
« c’est plus de quarante ans d’amitiés entre Rennes et Diyarbakir ; Ce jumelage s’est imposé comme la suite logique de notre partenariat qui a débuté , comme ce a été dit, en 1979. il s’agit là d’une nouvelle étape indispensable pour faciliter et renforcer les échanges et les coopérations futures. En devenant aussi, et ce n’est pas rien, la première ville au monde jumelée avec Diyarbakir, nous sommes fidèles à la tradition d’engagement international de Rennes »
Nathalie Appéré a aussi rappelé cette période où les liens ont été interrompus, en 2016, à la suite du coup de force de l’Etat turc bafouant l’Etat de droit , destituant les maires et les remplaçant par des administrateurs civils , et ce jusqu’aux élections locales de 2024 :
« Nous n’avons eu cesse, inlassablement, de nous mobiliser pour interpeller les autorités françaises, européennes internationales, au nom du respect de l’Etat de droit et des principes démocratiques qui protègent les libertés fondamentales. Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle page de notre histoire commune » Si des échanges techniques sont en cours « des échanges politiques sont aussi très développés ».
Nathalie Appéré, après avoir fait partager son émotion de recevoir , dix ans après, Gültan Kışanak, n’a pas manqué de souligner cette formidable opportunité de renforcer les liens entre citoyens et d’ajouter : « ces liens entretenus par l’engagement associatif, notamment celui des Amitiés kurdes de Bretagne dont je veux à mon tour saluer les représentants qui nous font l’honneur de leur présence à cette séance de notre conseil municipal »
André Métayer
