Génocide arménien : négationnisme et liberté d’expression en question.

En déposant un recours devant le Conseil constitutionnel, 142 parlementaires français (65 députés et 77 sénateurs) appartenant à différents groupes politiques ont empêché la promulgation de la loi, votée par les deux assemblées, pénalisant la négation des génocides. Ont-ils été agacés par le bras de fer Sarkozy/Erdogan ? Ont-ils voulu sanctionner des arrière-pensées électoralistes en cette période de campagne ? Ont-ils voulu défendre les intérêts français en Turquie ? Non, le motif de cette saisine serait pur : c’est pour défendre plusieurs principes fondamentaux du Droit, parmi lesquels ceux des libertés de communication et d’expression, que le Conseil constitutionnel a été saisi. Dont acte.

Notons que des parlementaires qui n’étaient pas favorables à cette loi ne se sont pas associés à cette démarche : on peut penser qu’ils ont mesuré les conséquences d’un zèle excessif sur les tendances liberticides des ennemis de la liberté. Les réactions de RT Erdogan, qui insulte la France et la menace de représailles “permanentes,” montrent que la Turquie n’a pas l’intention de reconnaître avant longtemps le génocide arménien dont elle s’est rendue coupable en 1915. Si d’aucuns en doutaient, qu’ils sachent que l’article 301 du Code pénal turc permet toujours de condamner sévèrement à une peine d’emprisonnement toute personne qui ose parler du génocide arménien. Pour avoir passer outre, une trentaine d’intellectuels, écrivains et journalistes, font aujourd’hui l’objet d’une procédure judiciaire pour “dénigrement de la nation turque”.

Les parlementaires français vont-ils défendre ROJ TV ?

L’opérateur satellitaire européen Eutelsat Communications dont le siège social est à Paris, a décidé d’interdire la chaine de télévision kurde en exil ROJ TV. Décision injuste et arbitraire que s’est bien gardée de prendre la justice danoise dans le cadre d’un procès intenté contre ROJ TV, malgré les énormes pressions de la Turquie, des Etats-Unis et de tous les pays européens membres de l’OTAN.

Après Eutelsat, c’est un deuxième diffuseur, Intelsat, dont les bureaux sont à Washington, qui s’est désisté à son tour, sous la pression du Département d’Etat américain, au motif fallacieux, dicté par une Turquie autocrate et repris complaisamment par l’Europe et les Etats-Unis, de complicité avec une activité terroriste. ROJ TV reste toutefois encore accessible sur des canaux alternatifs, notamment Internet.

Il s’agit manifestement d’une atteinte caractérisée contre la liberté d’expression et de communication qui vient s’ajouter aux nombreuses violations dont la Turquie se rend fréquemment coupable par des fermetures de journaux et de sites, des arrestations de journalistes, dont l’éditeur Ragip Zarakolu, candidat pour le Prix Nobel de la Paix et même des assassinats, comme les journalistes Hrant Dink directeur de l’hebdo Agos, ou Kasim Ciftci, directeur du journal “Hakkâri’nin Sesi”.

Nous appelons les parlementaires français, au nom de ” la liberté de communication et d’expression”, à prendre la défense de ROJ TV et à exiger d’Eutelsat de revenir sur sa décision.

Roj TV, c’est la voix du peuple kurde qui exprime toutes ses souffrances, toutes ses inquiétudes, toutes ses luttes mais aussi tous ses espoirs. C’est tout un peuple qui reste branché 24/24 h sur ce canal, à Diyarbakir, au Kurdistan nord (Turquie) comme au Kurdistan sud (Irak), dans toute la diaspora kurde, en Europe comme dans le reste du monde, comme en France, comme à Rennes. (communiqué d’AMARA, la Maison du Peuple kurde à Rennes).

André Métayer.