Interview de Reyhan YALCİNDAG, avocate de Gülcihan ŞİMŞEK

Madame Gülcihan ŞİMŞEK, Maire de Bostanici (2004-2009), bien connue et estimée des membres des Amitiés kurdes de Bretagne qui, à plusieurs reprises, furent accueillis par cette femme courageuse dont le militantisme pour la défense des droits culturels et politiques de son peuple – et aussi pour la cause des femmes – est avéré, a été interpellée au lendemain de la victoire électorale de son parti, le DTP, (Parti pour une Société Démocratique) et conduite à la prison de Diyarbakir. Son avocate, Reyhan YALCİNDAG a répondu à nos questions.

– Quels sont exactement, juridiquement parlant, les chefs d’accusation qui sont à la base de l’inculpation de Madame Gülcihan ŞİMŞEK et de son incarcération ? Quelles sont vos craintes quant à l’équité d’un éventuel procès?

R.Y. – Madame Gülcihan ŞİMŞEK est l’un des 500 membres du DTP toujours détenus. Elle se trouve actuellement au bloc des femmes de la prison de Diyarbakir de type E (n.d.l.r. depuis avril 2009) ; d’autres membres du DTP ont été arrêtés en septembre 2009 et écroués, parmi lesquels se trouvent l’ancien maire de Sirnak, Ahmet Ertak, et les adjoints des maires actuels de Kayapinar et de Baglar, l’ancien président de l’Assemblée Régionale de Diyarbakir, mais aussi Seyhmus Bayhan, l’actuel président de l’Assemblée Régionale de Diyarbakir, qui a été élu avec plus de 400 000 voix. Que puis-je dire de ces vagues d’arrestations? Lors des dernières élections locales, (n.d.l.r. du 29 mars), le DTP a remporté une grande victoire électorale et l’Etat n’a pas vu d’un bon œil ce succès qu’il trouve dérangeant ; ces opérations n’ont d’autres objectifs que de criminaliser les activités politiques et juridiques des membres du DTP.

Concernant le dossier de Madame Gülcihan ŞİMŞEK, je peux dire, en tant qu’avocate, qu’il n’y a pas la moindre preuve juridique d’une quelconque illégalité. L’opération est éminemment politique, liée directement au fait que L’Etat n’accepte pas le DTP ; c’est ainsi que les activités légales des partis politiques sont considérées comme illégales quand elles sont menées par le DTP : une conversation téléphonique de Madame Gülcihan ŞİMŞEK avec un membre de la commission d’organisation, pour ne citer que cet exemple, est considérée comme un délit, parce qu’ils sont, l’un et l’autre, membres du DTP. De même, il est reproché à Madame Gülcihan ŞİMŞEK d’avoir rendu visite à des manifestants blessés par des policiers lors de manifestations ; l’accusation suit une logique dont il est difficile de suivre les méandres.

Par ailleurs, il faut rappeler qu’à partir du placement en garde à vue, l’instruction du parquet devient secrète. C’est à dire que, concrètement, nous autres avocats, et l’inculpée elle-même, n’avons pas accès à la totalité du dossier et nous ne pouvons savoir exactement les faits reprochés. Pour le moment, nous n’avons toujours pas la possibilité d’avoir accès au dossier et de photocopier certains documents. Ce qui signifie que depuis le début de la procédure les droits à un procès équitable et de la défense sont bafoués.

– Quels sont les arguments de la défense ?

R.Y. – Le réquisitoire n’est toujours pas prêt et il ne le sera pas, pensons nous, avant début Novembre ; d’ici là, nous ne pouvons obtenir copie du dossier ; la première audience pourrait avoir lieu dans les deux mois suivants.

– Quelles sont les peines encourues?

R.Y. – Comme tous les autres, Madame Gülcihan ŞİMŞEK est, comme je l’ai déjà précisé, accusée sans preuve d’être un membre de l’organisation illégale KCK ((n.d.l.r. comité exécutif de Kongra Gel). İl n’y a qu’une seule chose de vrai, c’est qu’elle a été élue maire DTP et qu’elle a exercé, à ce titre, des activités politiques. L’article 314 du Code pénal turc (n.d.l.r. “appartenance à une organisation armée”) qui nous est opposé prévoit en l’espèce une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans : c’est donc, pour le moment, le risque encouru par Madame Gülcihan ŞİMŞEK.

– Madame Gülcihan ŞİMŞEK a-t-elle été maltraitée durant sa garde à vue et, maintenant, en détention ?

R.Y. – Madame Gülcihan ŞİMŞEK n’a pas subi de mauvais traitements pendant la garde à vue, mais notez qu’elle n’a pas accès à son propre dossier, elle est l’objet d’une pression morale qui bafoue son droit de se défendre.

– Peut-elle espérer une rapide remise en liberté, même conditionnelle?

R.Y. – Nous fondant sur la législation, nous saisissons par écrit, une fois par mois, le tribunal et demandons sa libération. Mais toutes nos demandes ont été, jusqu’à ce jour, rejetées. C’est pourquoi nous ne pensons pas que Madame Gülcihan ŞİMŞEK puisse être libérée avant la première audience.

– Quel est l’état physique et psychologique de Gülcihan ? Pouvez-vous nous envoyer son adresse?

R.Y. – Je lui rends visite de temps à autre et je la verrai demain. Je lui transmettrai, sans faute, vos salutations et votre soutien. Elle sera heureuse de recevoir vos cartes de soutien. Son adresse : Madame Gülcihan ŞİMŞEK E Tipi Kapalı Cezaevi Bayanlar Koğuşu Bağlar / Diyarbakır

– Nous avons l’intention de saisir AMNESTY INTERNATIONAL

R.Y. – Il est évident qu’il est extrêmement important que vous preniez contact avec Amnesty International, en insistant sur le fait que toutes ces personnes sont détenues arbitrairement.

Nous vous communiquerons la date d’audience quand elle sera fixée, car il sera nécessaire d’assister à l’audience, d’être solidaire et de suivre la procédure.

Participez à la campagne de soutien à Gülcihan ŞİMŞEK

Prendre contact : akbdrk@orange.fr

André Métayer

Notes