Les Kurdes entrent au Parlement de Turquie

Victoire relative mais victoire quand même pour le DTP (Parti pour une Société Démocratique), parti pro kurde que d’aucuns présentent comme la vitrine légale du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Il a réussit à faire élire, sous le vocable “Mille Espoirs”, malgré des obstacles en tout genre, une vingtaine de députés, dont neuf femmes. Ils ont prêté serment ce samedi 4 août 2007 devant la “Grande Assemblée Nationale”, le Parlement monocaméral de Turquie, au grand dam des militaires et des ultra-nationalistes d’extrême droite (qu’on trouve aussi au CHP, parti se réclamant de la social-démocratie) qui manifestent déjà leur mauvaise humeur.

Pourtant la victoire n’est pas aussi ample qu’espérée, même si le doute persiste sur quelques sièges perdus, comme celui qui avait été déclaré gagné, puis perdu, par Sabahattin Suğvacı, Président de la section locale DTP de Hakkari. Mais si les nouveaux élus kurdes, qui ont serré la main de leurs adversaires politiques, tiennent des propos plutôt rassurants, affirmant vouloir “travailler à la réconciliation”, il n’en reste pas moins qu’ils entendent militer pour un règlement politique de la question kurde et se refusent d’accepter de condamner le PKK comme une organisation terroriste.

En fait, ce qui fait grincer quelques dents, c’est la notoriété de ces nouveaux députés, à commencer par celle de la porte-parole de la section des femmes du DTP, Sebahat Tuncel (Istanbul), incarcérée comme de nombreux autres membres du DTP depuis novembre 2006 : son élection lui apportant l’immunité, elle passe directement de la prison au Parlement.

Il y a aussi Ayse Tugluk (Diyarbakir), avocate d’Öcalan, co-Présidente du DTP avec Ahmet Türk (Mardin). Ce dernier et Sırrı Sakık (Mus) réintègrent une assemblée dont ils avaient été exclus après la dissolution du DEP en 1993, écopant au passage d’une peine de 14 mois d’emprisonnement.

Entre également au Parlement Pervin Buldan (Igdir), née à Hakkari en 1967, qui a vu son mari assassiné en 1993, 2 mois après que Tansu Ciller, alors Première Ministre, ait juré de “punir tous ceux qui finançaient le PKK”.

Hasip Kaplan (Sirnak), un des avocats de Leyla Zana, est connu pour avoir fait condamner la Turquie par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans une affaire où les forces de sécurité turques étaient accusées d’avoir fait manger des excréments aux villageois de Yesilyurt.

Selahattin Demirtas, un avocat de 34 ans considéré comme un proche de Ayse Tugluk, est Président de la section locale de l’Association turque des Droits de l’Homme de Diyarbakir (IHD), succédant à Osman Baydemir, devenu maire de Diyarbakir. Les deux hommes président ensemble la “Plateforme démocratique” qui organisa en mai 2005 une grande conférence sur le thème de la “Paix au Moyen-Orient”.

Notons également Hamit Geylani (Hakkari), avocat, Gulten Kisanak (Diyarbakir), journaliste, Ayala Akat Ata (Batman) et les autres, tous et toutes militants ayant connu, pour la plupart, arrestations, gardes à vue et prisons.

Mais le plus emblématique reste le Turc Akin Birdal, ancien Président de l’Association turque des Droits de l’Homme (IHD) et Vice-Président de la FIDH, traduit devant la Cour de Sûreté de l’Etat à Ankara pour “encouragement à la discrimination raciale et menaces contre l’unité territoriale de la Turquie”. Lors de la 7ème audience, le 14 mars 1994, une délégation de quatre Rennais mandatée par le Maire de Rennes était dans la salle. Le 12 mai 1998, Akin Birdal échappa à une tentative d’assassinat mais, bien que grièvement blessé, il dû néanmoins retourner en prison pour finir de purger sa peine alors que ses agresseurs restaient en liberté. Voyageur infatigable, il fut accueilli à Rennes le 20 avril 2001. Samedi 4 août 2007, son travail de député en faveur de la paix commence.

André Métayer