Christophe Le Baquer, peintre sculpteur, connu pour ses sculptures en granit inspirées de sa Bretagne natale et des mythes universels, a déposé, au cimetière de Ouessant, sur la pierre tombale sous laquelle repose les cendres de notre Ronan, Ronan ‘’le guerrier’’, un livre épais, aussi dense qu’une vie bien remplie, taillé dans un bloc de kersantite ! Quelle symbolique ! Les principaux filons de cette roche rare qui s’est formée dans les profondeurs de la Terre il y a trois cents millions d’années, se trouvent en Bretagne, et porte le nom d’un toponyme breton, le hameau de Kersanton, à Loperhet, situé au bord de la rade de Brest. La kersantite résiste particulièrement bien au temps et aux intempéries. Il en sera de même pour cette histoire, celle dont le nom est gravé en lettres dorées sur la couverture couleur ébène : Ronan AL LOUARN, 21.06.1972 + 15.05.2025, entourant un dessin , imaginé par Christophe et gravé dans la pierre travaillée à souhait pour donner au livre un aspect qui rappelle le cuir d’un vieux grimoire.
Ur gêrig evit Ronan, skrivet gant Christophe
C’est le dessin d’un cœur parce que la vie de Ronan est une affaire de cœur. Le cœur qu’il a mis dans l’amour des siens, de ses amis et évidemment aussi dans l’amour de la liberté des peuples minoritaires. C’est un cœur celtique. Un cœur breton. Les courbes à l’intérieur appellent les vagues de l’eau, les vagues de la vie et le mystère du monde. Dans le cœur se trouve une hermine, symbole de la lutte de Ronan pour la Bretagne. Au-dessus il y a deux spirales reliées l’une à l’autre avec une sorte d’arc-en-ciel …Encore une histoire d’amour, une histoire d’unité. Le motif en tête de bélier … c’est le symbole de la victoire et Ronan a lutté pour aller jusqu’à la victoire. Ce livre garde secret – mais pas complétement pour nous, ses proches, ses intimes, ses amis – la vie de Ronan : ses émotions, ses gestes d’amour, de solidarité, ses cris étouffés de colère, ses confrontations, ses diatribes, ses démonstrations, ses combats… pour les Kurdes, pour le peuple breton.

Ouessant, samedi 27 septembre 2025
Répondant à l’invitation conjointe de la compagne de Ronan, Stéphanie Stoll, et de sa fille Enora, des amis, bretons pour la plupart, se sont retrouvés ce samedi 27 septembre, à Ouessant, cette ile bretonne au large du Finistère, berceau de la famille paternelle de Ronan. Le nom de son arrière-grand-père disparu en mer est gravé sur la tombe familiale où repose aussi son arrière-grand-mère, ouessantine.
Ces amis se sont recueillis, ont parlé, chanté, dansé, rit, pleuré, parmi lesquels on nota la présence de Fulup Jakez, directeur de l’Office public de la langue bretonne, et de Lena Louarn vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, chargée des langues de Bretagne. cofondatrice de l’école Diwan de Rennes en 1978, elle raconte sa rencontre avec ‘’un garçonnet de sept ans, aux cheveux blonds et bouclés, sur la cour d’école’’. Ce fut les premiers pas de Ronan, breton jusqu’au bout des ongles, découvrant qu’il existait une langue en Bretagne qui n’était pas encore la tienne.
Les Amitiés kurdes de Bretagne étaient représentées par son vice-président, Gaël Le Ny, et par Fehmi Kaplan, membre du bureau, représentant aussi Amara, centre démocratique kurde de Rennes (CDK- R) dont il est le ‘’chargé des relations extérieures’’.
Le pushi de Gaël
Avec à son humour habituel, Gaël a raconté les trois cadeaux de la vie que Ronan lui a fait :
‘’Ronan a donné des orientations fortes dans ma vie, à plusieurs reprises. Il m’a mis en connexion avec les Kurdes, c’est parti pour vingt-cinq ans de ma vie auprès des Kurdes, ça a changé ma vie. Il m’a permis de rencontrer Mélanie qui est une autre partie de ma vie, et le plus beau cadeau qu’il m’aitAntifascist Internationalist Tabur, brigade internationale opérant au Rojava. More fait a été de m’offrir le Breton. J’ai perdu un ami, fort. Je ne sais pas comment le remercier pour tout ce qu’il m’a donné. On le sait bien, il y a des moments où on avait juste envi de l’étrangler, d’autres fois de l’étreindre de toute son affection. Il a compté pour beaucoup de gens, et, dans ma vie, énormément.’’
Gaël a eu ce geste affectueux de nouer, autour de la croix surélevant la stèle, son premier pushi (Foulard keffieh kurde, un tissus très doux) qu’il avait reçu à Diyarbakir des mains de ses premiers amis kurdes.
L’émotion de Fehmi
S’exprimant au nom du Centre démocratique kurde de Rennes (CDK-R), Fehmi Kaplan, au retour de Ouessant a déclaré :
« Ronan, nous porterons avec honneur le pont que tu as construit entre nos peuples. Ton absence laisse un grand vide dans nos cœurs, mais nous le comblerons par la lutte. Lors de cette journée, à Ouessant, il y eut connexion entre hommage, chants bretons et repas convivial pris dans ce cimetière autour de ta tombe, ce qui m’a personnellement beaucoup ému. Ce repas partagé a réussi à nous unir au monde entier, sur cette terre de Bretagne. Ce repas nous a réunis, tout à ton image, comme pour une dernière manifestation. D’ailleurs, nous voyant sortir du cimetière, un vieux monsieur qui passait en voiture fut surpris de voir tant de monde et nous interpella gentiment “C’est une manif ?” demanda-t-il en souriant. “Bien sûr” lui a-t-on répondu, une manif pour continuer la lutte avec toi, Ronan ».
Il faudra venir à Ouessant se recueillir sur la tombe de Ronan, enlever le lichen et tailler le bout de gras. Il fait toujours beau dans le cimetière d’Ouessant.
Kenavo Ronan
André Métayer
Photos : Gaël Le Ny