Fin du cessez le feu : la guerre est déclarée

Les Kurdes parlent de “génocide politique” :

nous sommes revenus aux années noires, aux années 90 ; pire encore : une nouvelle alliance se forme entre l’Iran, la Turquie et la Syrie.

Alliance objective Turquie, Iran, Syrie

Dans le cadre d’un projet assimilationniste, les autorités syriennes vident les villes à majorité kurde au profit des populations arabes ; comme chacun le sait, les Kurdes, dans ce pays, sont déjà sans droits, même les plus élémentaires comme celui de se marier ou d’ouvrir un commerce ; l’Iran et la Turquie s’unissent pour éradiquer la résistance kurde et ne lésinent pas sur les moyens militaires à mettre en œuvre (dont le coût n’est pas encore précisé) avec l’aide de la logistique américaine ; ils violent en permanence le territoire du Kurdistan irakien sur lequel se trouvent les bases arrières du PKK et sa branche “iranienne”, le PJAK : les bombardements affectent surtout les villages et on signale déjà l’exode de plus de 350 familles ; les bilans sont comme d’habitude contradictoires et les chiffres de “terroristes”‘ tués est toujours à prendre avec scepticisme ; par contre, ce qui est avéré, est que les opposants au régime iranien sont pendus : ainsi, le 9 mai dernier, le régime iranien a exécuté par pendaison 5 opposants au régime dont 4 membres du PJAK.

Guerre totale

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La Turquie, quant à elle, veut en finir avec la rébellion, qu’elle soit armée ou qu’elle soit politique ; les opposants au régime ne sont pas pendus, comme le fut en 1961 le premier ministre turc élu démocratiquement Adnan Menderes ou comme le sont aujourd’hui les opposants au régime théocratique de Mahmoud Ahmadinejad. Aux dires des communiqués de l’Etat-major des armées, relayés par l’AFP, le PKK aurait subi de sérieux revers mais de source kurde on apprend que les défections des gardiens de villages, forces supplétives mises en place par l’armée turque, sont nombreuses ; en trois mois, près de 223 gardiens de village auraient déposé les armes dans les régions frontalières et refuseraient toute participation aux opérations militaires ; cette information nous parait crédible pour avoir observé ce phénomène depuis plusieurs années lors de nos déplacements dans les zones frontalières : les effets se sont faits sentir jusque dans les urnes au moment des élections.

La situation apparait tellement absurde que l’AFP note que même pour les analystes “les espoirs sont faibles de parvenir à la paix” et cite Derya Sazak l’éditorialiste du journal Milliyet qui avoue dans ce quotidien de centre gauche :

Un regain de violences assombrit les espoirs de résolution du conflit kurde ; les chances qu’une ouverture fasse taire les armes n’existent plus.

De sources kurdes on apprend que, depuis le processus dit “d’ouverture politique”, le gouvernement turc a accentué ses opérations à niveau encore jamais atteint : 24 détenus et 61 civils ont été tués, 35 journalistes arrêtés, 397 personnes torturées, plus de 5 000 personnes mises en garde à vue dont 2 640 déférées au parquet et mises en détention ; des centaines d’enfants ont été jugés pour avoir jeté des pierres aux policiers et 9 d’entre eux ont trouvé la mort.

17 personnes, membres du “Groupe pour la Paix et pour une solution démocratique,” ont été interpellées et ont comparu devant la justice ; 10 d’entre elles ont été placées en détention, ce qui fait écrire Rusen Cakir, dans le journal Vatan, que l’arrestation de ces émissaires, dont l’entrée en Turquie ne pouvait pas ne pas avoir été préalablement négociée, marque un tournant dans la politique suivie par Ankara, et d’ajouter :

Si l’Etat ne tient pas ses promesses et continue à abandonner la question aux autorités sécuritaires et judiciaires, nous allons attendre longtemps avant de trouver une solution.

Un dossier de 7 587 pages

Kazim Kurt
Kazim Kurt
C’est donc la fuite en avant et la justice qui prête son concours à l’armée vient de clore un dossier de 7 587 pages inculpant 151 personnes, dont 103 sont en détention – pour certaines depuis avril 2009 ; il s’agit notamment de Hatip Dicle, co-Président du Congrès de la Société Démocratique et ancien député du DEP incarcéré pendant plus de 10 ans, Ali Simsek, adjoint au maire de la ville métropolitaine de Diyarbakir, Abdullah Demirbas, Maire de Sur (arrondissement de Diyarbakir), Leyla Güven, Maire de Viransehir, membre du Congrès des autorités locales du Conseil de l’Europe, Emrullah Cin, ancien Maire de Viransehir, Me Muharrem Erbey, Vice Président de l’IHD (Association des Droits de l’Homme) et Président de l’antenne régionale de Diyarbakir, Kazim Kurt, ancien maire de Hakkari, Gülcihan Şimşek, ancienne maire de Bostaniçi… tous inculpés au motif qu’ils appartiendraient à une organisation terroriste.
Gülcihan Şimşek
Gülcihan Şimşek

Inculpation d’Osman Baydemir

A cette liste de personnalités viennent s’ajouter Remzi Kartal, réfugié politique en Belgique, Président de Kongra-Gel et Osman Baydemir, Maire métropolitain de la ville de Diyarbakir.

Les suspects risquent des peines allant de 15 ans de réclusion à la prison à vie pour leur implication supposée dans l’Union des Associations du Kurdistan (KCK), considérée par le parquet comme un groupe terroriste, branche urbaine des rebelles armés du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK),

selon l’acte d’inculpation consulté par l’AFP, précise la dépêche.

On y apprend aussi que le maire de Diyarbakir était sur “écoute téléphonique” depuis 2007 ; toutes ses conversations étaient écoutées, y compris ses conversations intimes avec son épouse, l’avocate Reyhan Yalcindag-Baydemir.

André Métayer