« Je suis Charlie, je suis Rojbîn »

Les Kurdes étaient présents dans les différentes manifestations organisées partout en France, mais aussi à Istanbul, en Europe et dans le monde pour la défense de la liberté d’expression, après l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et les attentats et prises d’otages survenus à Paris entre le 7 et le 9 janvier. On a compté jusqu’à quatre millions de personnes lors de ces rassemblements.130 pays étaient représentés et une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents, autour de François Hollande, à la grand marche organisée à Paris le 11 janvier. Ces événements tragiques se sont passés au moment où toute la communauté kurde d’Europe et tous les amis du peuple kurde se recueillaient en mémoire des trois militantes kurdes assassinées le 9 janvier 2013 à Paris par l’Etat turc, ses services secrets (MIT) étant chargés de faire exécuter la basse besogne : les experts judiciaires ont confirmé l’authenticité de l’enregistrement de la conversation dans laquelle le présumé assassin, interpellé sur les lieux du crime et détenu depuis deux ans à la prison de Fresnes, faisait valider ses plans d’assassinat par ses officiers traitants du MIT.

En mémoire de Rojbîn, Sakine et Leyla

Les Amitiés kurdes de Bretagne ont pris part à la marche silencieuse du 9 janvier, à laquelle participait la famille de Rojbîn. Cette marche a conduit la foule jusqu’au 147 rue Lafayette où Rojbîn, Sakine et Leyla ont été assassinées. J’y ai été invité à prendre la parole, comme président des AKB : « voici deux ans, presque jour pour jour, étaient assassinées à Paris trois militantes kurdes, parmi lesquelles Rojbîn, porte-parole des Kurdes en France. C’est bien pour la faire taire qu’elle fut exécutée : la dixième balle du tueur fut pour elle, tirée à bout touchant, en pleine bouche. N’oubliez pas Rojbîn, Sakine, Leyla. » A l’occasion de cette marche, les AKB ont déposé une couronne de fleurs à la mémoire des victimes.

wp_20150110_004.jpgLes AKB ont également participé à la manifestation européenne du 10 janvier, qui a réuni 15 à 20 000 participants réclamant “vérité et justice” :

bientôt deux ans que nos trois amies kurdes ont été assassinées et la lumière sur cette affaire n’a toujours pas été faite. Nous sommes à Paris ce 10 janvier 2015 pour dire et redire que nous voulons que les commanditaires de ce triple assassinat politique soient démasqués et punis.

Des millions de téléspectateurs ont pu voir le Président de la République réconforter les familles des victimes tuées sur le sol français. Ce geste de compassion unanimement salué par l’opinion publique est attendu depuis deux ans par les familles de Rojbîn, Sakine, Leyla. Il lèverait également quelques ambigüités et un certain malaise.

Présences embarrassantes

Reporters sans Frontières, qui s’est félicité de la présence de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement étrangers lors du rassemblement du 11 janvier en hommage aux victimes des attentats, s’est néanmoins indigné de la présence de représentants de pays répressifs de la liberté de l’information. L’écrivain turc Nedim Gürsel, dont “Les Filles d’Allah” avait été jugé blasphématoire et lui avait valu d’être poursuivi, a critiqué la présence du Premier ministre turc M. Davutoglu, qui lui a semblé totalement déplacée à l’égard des journalistes, notamment de ceux qui ont payé de leur vie leur attachement à la liberté d’expression :

la liberté de la presse a beaucoup régressé en Turquie. M. Erdogan n’aime pas les caricaturistes. A chaque occasion, il porte plainte pour qu’ils soient poursuivis en justice.

Au classement mondial de la liberté de la presse, la Turquie est classée 154ème sur 180.

André Métayer