La sale guerre d’un président-dictateur : la population de trois villages de Nusaybin prise en otage

4 000 villages kurdes ont été incendiés par l’armée turque au cours des vingt-cinq dernières années, les habitants devant s’enfuir en toute hâte, abandonnant tout sur place, y compris leurs troupeaux. L’Etat turc pensait, avec cette stratégie de la terre brulée, isoler complètement la rébellion pour mieux l’exterminer. Mais la résistance est telle aujourd’hui que cette stratégie est obsolète et, au lieu de ré-ouvrir des négociations que de nombreuses voix appellent de leurs vœux, le président-dictateur Erdoğan s’enfonce dans une guerre totale et l’horreur monte d’un cran. Chasser les populations de leur village ne lui suffit plus : il faut punir les habitants et faire un exemple. Peu importe qu’ils soient résistants, sympathisants ou pas, chacun doit savoir que celui ou celle qui n’est pas avec lui est contre lui. Après Sur/Diyarbakır, Cizre, Şırnak, Silopi, Yüksekova, Adil, Silvan, Derik… pour ne citer que ces localités, c’est le tour de villages du district frontière de Nusaybin (province de Mardin). Nusaybin forme une seule et même ville kurde avec Qamishli, capitale du Rojava (Kurdistan de Syrie) : c’est l’ancienne cité de Nisibis, coupée en deux par la frontière turco-syrienne suite aux accords franco-turcs de 1923. Nous avons déjà alerté l’opinion publique sur la situation de Kuruköy (Xerabê), l’un des petits villages de Nusaybin bloqué par des véhicules blindés. Kuruköy est en état de siège depuis le 11 février 2017 et deux autres villages, Doğanlı et Kuyular, sont également sous couvre-feu depuis le 22 février 2017.

La punition collective, une des menaces brandies par le président-dictateur

Hişyar Özsoy; député, vice-président du HDP chargé des relations extérieures, lance à nouveau un appel en direction de la communauté internationale, l’exhortant à ne pas se taire et rappelle que la Commission de Venise (organe consultatif du Conseil de l’Europe en matière de droit constitutionnel, de fonctionnement des institutions démocratiques et de droits fondamentaux) a considéré, au vu des exactions commises, que les derniers coups de mains étaient anticonstitutionnels. Plus précisément, la Commission a noté que les couvre-feux imposés depuis août 2015 n’avaient pas été “fondés dans le cadre constitutionnel et législatif qui régit spécifiquement l’utilisation de mesures exceptionnelles en Turquie, y compris le couvre-feu”.

Hişyar Özsoy précise, en ce qui concerne la situation dans ces trois villages de Nusaybin :

l’entrée et la sortie sont interdites dans ces trois villages. Les députés du HDP et les défenseurs des droits de l’homme ont essayé de rejoindre Kuruköy, mais en vain. Ils attendent sur la route de Kuruköy, obstruée par des barricades militaires construites à quinze kilomètres du village. La semaine dernière, nous avons informé les publics nationaux et internationaux de violations graves des droits de l’homme. 23 des 39 résidents détenus de Kuruköy ont été libérés 14 jours plus tard. Ces 23 personnes ont dit avoir été torturées. L’un des détenus, Abdi Aykut, a été hospitalisé. Le ministre de l’Intérieur justifie les tortures en accusant les plaignants d’avoir “accueilli des terroristes”. Des documents montrent que les habitations du village de Doğanlı (Talatê) ont été bombardées et détruites. Le couvre-feu et les barrages ne se limitent pas à ces trois villages. Au cours des deux dernières semaines, neuf villages de différents quartiers de Mardin et dix villages de Diyarbakir ont été soumis à un blocus militaire et à des couvre-feux similaires. Depuis 2015, de tels couvre-feux ont entraîné des destructions irréversibles dans de nombreuses villes et villes kurdes. Nous soupçonnons que ces pratiques inhumaines, qui constituent une punition collective, se propageront rapidement au cours de la campagne pour le référendum.

Les destitutions de maires continuent avec celles des co-maires de la ville de Mardin : Ahmet Türk (74 ans) avait été arrêté le 21 novembre et incarcéré (il vient d’être libéré pour raison de santé), et Februniye Akyol (26 ans), à son tour destituée, est chrétienne (syriaque). C’est un symbole vivant du Parti démocratique des Peuples, le HDP.

Manifestation de solidarité à Strasbourg

p2222686.jpgA l’appel du Centre démocratique du Peuple kurde de Strasbourg, de sa branche féminine Zin et des Amis du Peuple kurde en Alsace, avec le soutien du MRAP, d’Europe Ecologie les Verts, du PCF, de Justice et Libertés, de Femmes Egalité, du Théâtre du Potimarron… une foule de manifestants s’est rassemblée les 21 et 22 février place Kléber à Strasbourg, pour dénoncer les exactions subies par la population de Xerebe à Nusaybin et interpeller les institutions européennes : “500 habitants dont des femmes, des personnes âgées, des enfants, sont pris en otage par les forces spéciales turques depuis une semaine”.

À Rennes : “Brisons le silence, mobilisons-nous”

A l’appel du Centre démocratique kurde de Rennes et des Amitiés kurdes de Bretagne, une centaine de manifestants, soutenus par des partis et organisations démocratiques (Alternative libertaire, Mouvement de la Paix, Mouvement des jeunes communistes, PCF, UDB) se sont rassemblés à Rennes le mercredi 22 février, place de la Mairie. Lors des prises de parole, tous ont dénoncé les actes abominables commis sur la population civile dont le but avoué est de la terroriser. “Halte à la dictature, Brisons le silence, mobilisons-nous” pouvait–on lire sur les banderoles.

André Métayer