Opérations et situation de siège militaire dans le village de Koruköy (Xereba Bava) dans la province de Mardin

Le 11 février dernier, un couvre-feu est imposé par l’armée turque dans neuf villages de la province de Mardin : le gouverneur annonce « une opération de recherche anti-terroriste » dans cette province à majorité kurde. Le couvre-feu est levé dès le lendemain et pourtant l’état de siège est maintenu : le village de Koruköy est depuis complétement isolé, l’électricité y est coupée comme l’accès à internet et au réseau téléphonique.

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Cette « opération de nettoyage » dure depuis plus de 10 jours et aucun contact direct n’a été établi avec les habitants du village depuis. Deux habitants seraient retenus en otage par les forces spéciales, 6 autres auraient été exécutés et près de 40 arrêtés. Les habitants des villages voisins décrivent comment les familles ont étés réunies dans une même maison, leur téléphone systématiquement enlevés avant d’être battus, torturés ou exécutés. Ces exactions ne sont pas nouvelles et le modus operandi similaire aux opérations menées l’an dernier par les forces spéciales turques à Cizre, Lice ou Nusaybin : destructions des villes, incendies des logements, tortures et assassinat.

Interviewé par l’agence de presse Firat le 17 février dernier, Ali Atalan, député HDP de Batman, déclare :

un grand nombre d’habitants sont actuellement détenus et torturés. Nous n’avons plus de nouvelles depuis hier soir, notre contact avec les habitants est perdu et nous avons de sérieuses inquiétudes concernant leur sécurité. Un massacre a peut-être déjà eu lieu, leur vie est peut-être en péril.

Il est très difficile de documenter en détail ce qui se passe dans ce village. Des images sont postées sur les réseaux sociaux : celles des forces spéciales montrant fièrement leurs trophées, exhibant les corps afin de d’imposer un climat de peur ; celles d’autres massacres ayant lieux au cours des dernières décennies, échos de l’histoire, illustrant la même réalité à travers les mêmes images d’horreur. Une délégation d’élus et responsable HDP et une délégation des membres et de responsable de l’IHD ont toutes deux été bloquées : aucune n’a pu rentrer dans les villes, bloquées à 15 kilomètres par un barrage militaire. La délégation du HDP est toujours dans l’attente de pouvoir s’y rendre.

Feleknas Uca, députée du HDP, exprime clairement la crainte de voir un nouveau Cizre se produire :

65 familles, près de 500 personnes, sont encore dans ce village et sont bloquées à l‘intérieur de leur maison par les forces de sécurité turques. La faim et la soif s’installent, les animaux périssent et les maisons sont brulées : la crainte d’un nouveau massacre de Cizre plane plus que jamais.

Un député HDP a réussi à rentrer en contact avec l’un des habitants, ce qui constitue le seul témoignage, pour le moment, de ce qui se passe à Koruköy :

nous sommes 10 personnes dans la même maison. Nous n’avons pas pu sortir depuis 9 jours et nous n’avons maintenant plus d’eau ni de nourriture. Durant ces neufs derniers jours, les soldats ont fouillé notre maison plusieurs fois. Ils cherchent partout et ont retourné la maison plusieurs fois. Ils jurent et nous insultent continuellement, sans se soucier des femmes et des enfants. Ils ont torturé un enfant de 16 ans qui vit maintenant avec nous. Ils ont sorti cet enfant de sa maison et l’ont torturé, puis l’ont jeté à notre porte. Il souffre et n’arrête pas de geindre, conséquence des tortures qu’ils lui ont faire subir. Nous n’avons pas d’informations sur la situation dans le village puisque nous ne pouvons pas sortir. Nous savons juste qu’il y a plein de soldats et qu’ils entourent toute la ville. Rejoignez-nous, aidez-nous d’urgence.

Nous demandons aux organisations, à la communauté internationale, aux défenseurs de la démocratie et de la paix, d’exiger une enquête immédiate sur la situation à Koruköy. Nous ne pouvons pas rester silencieux face à l’oppression et aux tentatives de massacre.