Le Conseil municipal de Rennes unanime apporte son soutien aux élus kurdes incarcérés en Turquie

C’est sans doute une première en France : un conseil municipal unanime a exprimé son inquiétude face aux vagues d’arrestations successives qui sont intervenues en Turquie courant 2009, début 2010, fin 2011 et début 2012, visant des personnalités et élus kurdes. Il a dit sa solidarité à l’égard des personnes incarcérées et demandé que les droits humains et les libertés fondamentales des citoyens kurdes et des représentants élus démocratiquement soient pleinement respectés. Tel a été le vœu adopté par le Conseil municipal de Rennes, dans sa séance du 5 mars 2012.

Mme Lefrançois, adjointe au maire déléguée aux partenariats et aux relations internationales :

Ce vœu s’inscrit dans une démarche constante de la Ville de Rennes en faveur du respect de l’identité kurde et des droits humains. En réponse à l’appel de janvier dernier de M. Osman Baydemir, Maire de Diyarbakir, ville métropolitaine d’Anatolie du sud-est en Turquie, vous avez, monsieur le Maire, exprimé aussitôt votre soutien et votre solidarité à votre homologue. Ouest-France a d’ailleurs publié un article sur ce sujet le 22 février 2012. Le vœu qui vous est proposé au vote ce soir poursuit cette même initiative.

Le vote a été précédé d’interventions venant tant de représentants de la majorité (groupes communiste et Union démocratique bretonne) que de ceux de l’opposition (groupes Union pour Rennes Capitale et Alliance Citoyenne).

Je peux attester du désarroi de toute une population kurde

Mme Sohier (Union démocratique bretonne) souhaite appuyer fortement ce vœu :

Comme vous, M. le Maire, je me suis rendue au Kurdistan l’année dernière. La délégation des Amitiés kurdes de Bretagne à laquelle je participais a pu rencontrer de nombreux élus locaux à Diyarbakir, mais aussi à Hakkari et à Van, et je peux attester du désarroi dans lequel se trouvent ces élus locaux mais aussi toute la population kurde. Ils sont constamment inquiétés par les services de sécurité de l’Etat et par l’armée turque. Beaucoup d’entre eux sont ou ont été incarcérés, y compris des enfants. Dans le combat des Kurdes pour la paix et la démocratie, je vous assure que le soutien de notre ville est très important. J’espère que les projets de coopération que nous portons pourront aboutir rapidement malgré les difficultés à les mettre en œuvre puisque les villes n’ont pas le droit d’avoir des budgets et qu’il faut passer à chaque fois par le préfet avec les délais que vous imaginez.

Nous condamnons fermement le gouvernement turc

Mme Kruger (Parti communiste français) note que le Conseil municipal de Rennes est engagé de longue date pour la reconnaissance des droits politiques et culturels du peuple kurde et que cet engagement se concrétise par des missions de coopération avec la ville Métropolitaine de Diyarbakir mais aussi par des actes de solidarité politique comme celui-ci :

il est parfaitement inadmissible que des élus et des militants soient emprisonnés pour des raisons politiques, que l’immunité parlementaire des députés soit bafouée, qu’ils en soient réduits à protester par des grèves de la faim. Nous condamnons fermement le gouvernement qui est responsable de cette répression. […] Les élus du groupe communiste voteront évidemment ce vœu, conforme à ceux qu’ils ont déjà présentés, et s’inscriront dans toutes les initiatives qui iront dans le même sens. C’était d’ailleurs l’objet de notre rencontre le 30 janvier dernier avec le représentant des Amitiés Kurdes de Bretagne, quand il nous avait présenté un projet d’échange scolaire entre des enfants de Rennes et de Diyarbakir autour d’un atelier photo, le projet ” Ben U Sen”. Comme nos collègues en charge des relations internationales, de la culture et de l’Éducation, nous restons attentifs à l’évolution de ce projet.

Il est naturel en tant que ville jumelée d’exprimer notre solidarité

M.Chavanat (Union pour Rennes Capitale) :

même si nous n’avons pas à intervenir sur tous les sujets de la politique internationale, il est naturel en tant que ville jumelée d’exprimer notre solidarité dans les termes employés par Mme Lefrançois. J’ai simplement une préoccupation qui concerne la communauté turque qui vit à Rennes. L’expression de prise de position sur les affaires intérieures d’un pays, même si elle touche à des principes universels qui nous concernent à ce titre et justifient le vœu, est toujours susceptible d’être interprétée comme heurtant des sensibilités nationales et je pense qu’il faut respecter cette sensibilité qu’ont les différentes communautés. Cela ne fait pas obstacle, et personnellement je voterai ce vœu, mais cela justifie un contact sur ce type de sujet avec les membres de la communauté turque à Rennes. Nous l’avons probablement déjà eu pour leur expliquer ou peut-être concourent-t-ils tout à fait aux objectifs de ce vœu.

Peuple oublié par l’histoire et par les grandes puissances européennes.

M. Marzin apporte aussi le soutien de l’Alliance Citoyenne de Rennes en souhaitant que ce vœu soit perçu comme un message d’espoir par une communauté trop souvent oubliée par l’histoire et par les grandes puissances européennes.

Monsieur le Maire, nous vous remercions pour ce vœu de solidarité porté à votre homologue et à l’ensemble des représentants démocratiquement élus du peuple kurde de Turquie. Aussi, instruite par les précieux éclairages de l’association Amitiés kurdes de Bretagne, l’Alliance Citoyenne de Rennes tient à vous féliciter pour votre prise de position sur la question du Kurdistan turc. Il y avait effectivement urgence à porter cette question sur le devant de la place publique car plus de 400 personnalités, détenues sans jugement, pour certaines depuis trois ans, ont entamé depuis le 15 février une grève de la faim et ont l’intention d’aller jusqu’à la mort. Des grèves de soutien sont organisées dans de nombreuses villes en ce moment même, à Strasbourg par exemple. C’est dire à la fois le désespoir, mais aussi la détermination, de tout un peuple. Il y a urgence d’agir avant que la seule réponse à la répression ne soit l’intensification de la guérilla qui, cantonnée pour l’instant dans les montagnes, pourrait s’étendre à tout le pays.

“Soutien et solidarité… Nous sommes là dans l’action concrète”

Mme Lefrançois (Parti socialiste) :

Les expressions de chacune et chacun montrent les deux mots qui sont importants à retenir : soutien et solidarité dans cette démarche. Je n’ai rien d’autre à ajouter.

M. Daniel Delaveau, maire de Rennes :

Je vous remercie de ces échanges. J’ai effectivement eu l’occasion de rencontrer mon collègue de Diyarbakir et d’assister au travail mené dans cette ville et à la richesse des relations. Il est important de manifester notre solidarité. Je ne ferai pas de géopolitique mais nous sommes là dans l’action concrète en direction de nos collègues. Je vais mettre ce rapport aux voix. Pas d’opposition, ni d’abstention. Je vous remercie de cette unanimité.

Après une longue période de contacts étroits et d’actions solidaires, les deux villes se sont engagées depuis 2005 dans une coopération durable en gestion urbaine, axée sur la problématique de l’aménagement des Gecekondu, quartiers d’habitats auto-construits en urgence, dans l’illégalité, au fur à mesure des migrations “forcées” Il s’agit en particulier du quartier de Ben U Sen pour lequel les Amitiés kurdes de Bretagne et leurs partenaires proposent des projets à caractère culturel autour de la photo comme moyen de rencontre et d’échange. L’objectif est de favoriser, par des actions concrètes au plus près des populations, une meilleure connaissance mutuelle et une ouverture sur le monde. La paix se construit au fur et à mesure que reculent l’ignorance et les préjugés.

André Métayer